La Troupe à Cœur ouvert, qui fête ses 40 ans cette année, est un bel exemple de persévérance. D’autres organisations se sont cassé les dents sur des projets moins grandioses que le Paradis du Nord, mais la Troupe a toujours eu le vent en poupe. Alors, quel est son secret? Donald Renault, président du conseil d’administration depuis 1987, a tenté de répondre à cette question tout en profitant du moment pour faire un retour en arrière.

LA THÉORIE DES PETITS PAS

Le plus grand succès de la Troupe à Cœur ouvert est sans conteste son spectacle à grand déploiement Le Paradis du Nord, qui n’est toutefois pas apparu par magie! Donald Renault précise que l’idée du Paradis du Nord a fait son chemin de projet en projet et à la suite d’une longue réflexion. À l’origine, la Troupe se consacrait à l’improvisation et au théâtre au cours de saisons régulières, soit automne-hiver-printemps. Le premier théâtre d’été en 1990 a été un moment charnière. Le public était au rendez-vous : il était donc possible de se lancer dans de grandes productions durant la saison estivale. À la fin des années 1990, avec la chorale de la troupe, le théâtre musical s’est ajouté comme créneau.

L’ESPRIT ENTREPRENEURIAL

Le nerf de la guerre a toujours été le financement. Comme les productions de la Troupe à Cœur ouvert sont souvent hybrides avec des bénévoles et salariés, elles ne cadrent pas toujours dans les formulaires gouvernementaux de demandes de subventions en culture. La Troupe a dû trouver des solutions pour mener ses projets à terme tout en demeurant financièrement rentable. L’idée de créer des alliances avec le milieu économique et touristique témiscabitibien est devenue LA solution. Puisque la Troupe était la première dans la région à concrétiser ce genre de partenariat, cela en a fait sourciller plusieurs au début. « À la fin des années 1980, ça n’allait pas de soi que la culture peut être un vecteur de développement économique. C’était deux choses séparées. À l’époque, c’était perçu comme vendre son âme au diable! » mentionne Donald Renault avec un éclat de rire. La base du succès de la Troupe a été de décloisonner la culture, l’économie et le tourisme tout en développant une approche marketing novatrice et très proactive. Cela a permis à la troupe de devenir plus autonome, car elle n’a jamais reçu de soutien gouvernemental pour ce qui est de la culture.

S’ENTOURER DES BONNES PERSONNES

C’était important que la Troupe s’entoure de personnes compétentes dans leur domaine pour chapeauter tous ses projets, autant sur le plan administratif qu’artistique. Avec Daniel Morin, membre de l’UDA et directeur général et artistique, et Jocelyne Beaulieu à la direction musicale, c’était possible de monter des productions estivales de qualité. Par la suite, lorsqu’est venu le temps de concrétiser l’idée audacieuse du Paradis du Nord, la Troupe est allée chercher Jacques Marchand pour composer la musique avec l’Orchestre symphonique régional et Danielle Trottier pour les textes. Les bases d’une aventure d’une durée de sept ans étaient jetées.

LA FIERTÉ D’UNE RÉGION ET LE FACTEUR HUMAIN

Au cours de ses 40 ans d’existence, la Troupe a conservé son désir d’apprivoiser un public qui n’était pas amateur de théâtre au départ. Petit à petit, d’une production à l’autre, la Troupe a cherché à courtiser monsieur et madame Tout-le-Monde en leur présentant des pièces de qualité tout en les divertissant. « Au fil du temps, les gens reconnaissaient notre produit et revenaient d’une année à l’autre. Au moment où Le Paradis du Nord est arrivé, les spectateurs étaient au rendez-vous et étaient fiers de voir leur histoire se dérouler devant leurs yeux. Ils étaient fiers de constater le courage et la persévérance des gens qui ont construit notre région à la sueur de leur front », raconte Daniel Morin.   

Le même phénomène s’est produit avec les bénévoles. Même si le spectacle Le Paradis du Nord nécessitait un nombre impressionnant de bénévoles et exigeait d’eux une grande disponibilité, les gens étaient fiers de faire partie d’une si grande production. Malgré les sept années de représentation (prévu pour trois ans au départ!), il n’y a pas eu de problème de recrutement. Cette production a contribué à valoriser la région et même à garder la relève ici.

QUEL AVENIR POUR LA TROUPE?

La Troupe à Cœur ouvert se porte bien, mais ses activités nécessitent toujours une recherche active de partenaires et de financement. Malgré tout ce qui a été accompli, une relève est essentielle pour continuer ce combat et pour finalement gagner une reconnaissance sur le plan culturel. La pandémie a permis un moment de pause et de réflexion quant à l’avenir. Les nouvelles générations sont de plus en plus difficiles à rejoindre et les façons traditionnelles de faire de la promotion sont amenées à changer. L’avenir passera certainement par Internet et les médias sociaux. Quoiqu’il en soit, la Troupe à Cœur Ouvert continuera de nous surprendre, car elle encore plusieurs cartes à jouer dans sa manche!


Auteur/trice

Isabelle Gilbert est journaliste bénévole pour L’Indice bohémien depuis 2018. Elle a été coordonnatrice pour le journal communautaire L’Odyssée de Rapide-Danseur de 2000 à 2015 puis de 2017 à 2021. Dès son arrivée en 1999, elle s’est toujours impliquée dans la communauté de Rapide Danseur tout en regardant grandir ses deux beaux enfants. Depuis 2017, elle fait partie du comité organisateur du Rapide Show, un spectacle de variété ayant lieu dans l’église de Rapide-Danseur. Amatrice de plein air et de chant choral, Isabelle aime aussi écrire, coudre et « jouer » de la guitare pour s’accompagner. Depuis 2002, cette touche-à-tout trouve même du temps pour son vrai métier d’enseignante au secondaire!