La transmission intergénérationnelle est le processus qui assure la continuité culturelle. Cependant, dans les conditions contextuelles de la migration, des changements culturels rapides et profonds se produisent. J’aborderai ici le processus de transmission des valeurs dans les familles d’immigrés en Abitibi-Témiscamingue en me basant sur ma propre expérience et sur celle d’autres familles immigrantes que je fréquente.
QUELLES SONT LES VALEURS PARENTALES LES PLUS FACILEMENT TRANSMISES?
Déjà, tout dépend du lieu de naissance de la personne à qui on veut transmettre les valeurs. C’est plus compliqué si la personne est née et a grandi ici. De façon générale, les valeurs parentales les plus facilement transmises sont celles qu’on peut considérer comme universelles, telle que le respect, la persévérance scolaire, la discipline et parfois la langue du pays d’origine.
Bien que ces valeurs soient faciles à transmettre, il y a des nuances qu’il faut considérer. Quand on parle de respect par exemple, ce concept est très complexe et important dans certains pays du sud où il est considéré comme une obligation sociale. On doit notamment respecter tous ceux qui sont plus vieux que soi et leur obéir. Dans mon cas, le respect est la valeur la plus importante que j’ai reçue de mes parents. C’est donc celle sur laquelle j’insiste le plus avec mon fils qui est né ici.
Les valeurs les plus difficilement transmissibles sont celles sur la rétention de l’identité ethnique. La rétention de l’identité ethnique est déjà difficile à faire depuis nos pays d’origine très influencés par les valeurs occidentales. Certaines de ces valeurs considérées comme rétrogrades se perdent progressivement à chaque génération. On parle par exemple des valeurs qui donnent plus de pouvoirs aux hommes dans une famille au détriment des femmes. Certaines de ces valeurs sont transmises par souci identitaire et sont influencées par les activités culturelles, le besoin de conserver les traditions et l’éducation, les liens familiaux, le soutien social et le rejet des valeurs occidentales. La rétention de l’identité ethnique est mise à mal par les barrières au sein de la société d’accueil, la perte du soutien familial, le manque de continuité culturelle et le potentiel des mariages mixtes.
Tout va dépendre du pays d’origine des familles immigrantes et de l’influence de la religion. Dans certains pays du sud, dont la République démocratique du Congo, tu ne peux normalement pas habiter avec une femme et faire des enfants sans avoir suivi toutes les étapes : fiançailles, dot, mariage… Alors qu’ici, le phénomène de conjoint de fait est très répandu. Pour ce qui est de la langue, on laisse généralement l’enfant démontrer son intérêt, surtout qu’il est compliqué d’enseigner une langue qui ne sera pas parlée couramment. Souvent, on essaie de leur montrer deux ou trois mots par la musique.
QUELS MOYENS UTILISE-T-ON POUR TRANSMETTRE CES SAVOIRS CULTURELS?
Les moyens utilisés sont généralement le bouche-à-oreille lors des rencontres de famille, ou encore les discussions seul à seul après le visionnement d’un film du pays d’origine. Certaines communautés se regroupent dans des églises et des centres communautaires qui servent de lieux de transmissions des valeurs.
L’INTENSITÉ DE LA TRANSMISSION DES VALEURS VARIE-T-ELLE EN FONCTION DU SEXE?
Dans certaines cultures, je dirais que oui. Un père aura plus de facilité à discuter avec un garçon, laissant ainsi la fille à la mère. Les valeurs à transmettre peuvent aussi varier selon le sexe. De façon générale, en ayant choisi de vivre en Occident, beaucoup ont compris que l’égalité entre les sexes est une valeur fondamentale, même si un homme n’abordera pas facilement la sexualité avec sa fille. Cela veut dire que pour la transmission des valeurs universelles comme le respect, il n’y aura pas de différences entre les genres, alors que pour les valeurs plus propres à chaque culture, il risque d’y avoir quelques différences entre les filles et les garçons.
En conclusion, la société de façon générale joue un rôle important dans la transmission des valeurs aux nouvelles générations. Ainsi, quoi que fasse la famille, les enfants vont être beaucoup influencés par la société et leurs propres réseaux d’amis et de collègues.