Alors on se lève avec vous.

Au nom d’une cause.

Au nom de la prose.

Au nom de fucking quelque chose.

Pas de carapace ou de masque.

De cachette ou de fausses faces.

– Extrait de la chanson « Anti-rap », tiré de l’album Émissaires, 2020.

Le samedi 24 juillet, à Val-d’Or, dans l’espace sacré de l’église Saint-Sauveur, la foule du FRIMAT a dansé, chanté, crié et tapé du pied. Debout sur les bancs ou à genoux sur les prie-Dieu (Geez!), elle a aussi tendu l’oreille délicatement, souri sans regarder à la dépense, et réfléchi. Tous ensemble, à travers un dialogue musical et poétique continu, nous avons fait l’expérience de l’authenticité, de la sagacité, de la bonne humeur et… de la dissidence. Tiens, tiens, c’est drôle : le mot dissidence ressemble au mot descendance. Bienvenue dans l’univers d’Excavation & Poésie (E&P)!

J’ai eu la chance de rencontrer Charles avant sa prestation. Chanteur « de paroles vites » (si vous avez écouté « Anti-rap », vous voyez ce que je veux dire) et joueur de guitare aux pieds nus, il est arrivé les yeux khôlés à la Bonnie Prince Billy, prêt à discuter de petits et de grands sujets. J’ai choisi de lui parler principalement de poésie – c’est un petit ou un grand sujet, ça?

Extrait de la préface du recueil Émissaires :

Premier exutoire littéraire

d’excavateurs creusant leur psyché

comme ils laboureraient un meilleur monde

intérieur

Ce que je comprends, de ce que je lis et de ce que j’entends, c’est qu’E&P souhaite susciter une réorganisation des mondes, intérieurs et extérieurs, grâce aux processus poétiques et musicaux, lesquels – attention – ne sont pas mutuellement exclusifs selon Charles. Voilà la pierre angulaire, me semble-t-il, de la démarche globale du groupe E&P. Et c’est, selon moi, cette prise de position (qui n’est pas soulignée à gros traits, cela dit) qui les rend uniques.

Ils nous disent : on ne changera pas le monde, si on ne transforme pas l’humain d’abord. Et c’est exactement là que leur authenticité me touche particulièrement, car j’ai bien senti que ce message n’est pas un slogan publicitaire pensé par une équipe de feu, mais bien une réalité tangible que chacun des membres – Charles, Olivier, Laetitia et Rafael – a acceptée d’embrasser pleinement.

Leur processus de création littéraire en est un témoin concret. Ensemble, ils ciblent d’abord des thèmes qui font ressortir valeurs partagées, histoires personnelles et revendications souhaitées. Ils font ensuite leur chemin individuellement pour l’écriture, et reviennent au terme de ce processus pour une mise en commun des textes. Tour à tour, ils discutent leurs mots et les mots des autres, font des propositions, des corrections, et ce, jusqu’à ce que le tout reflète la cohésion, à la fois intellectuelle, stylistique et sensible, du groupe. Pas si facile d’assumer sa vulnérabilité face à l’autre, n’est-ce pas? De se dévoiler en sachant que nos mots passeront sous la loupe de l’analyse commune. Puis-je affirmer, sans trop extrapoler, que ce processus implique la transformation du matériau humain?

Cette façon de faire, parfois fastidieuse – il faut bien le dire — a sans contredit permis au recueil de dégager une unité à laquelle je ne m’attendais pas nécessairement. Qui plus est, cette unité est soutenue par une esthétique visuelle créée par une jeune artiste du nom de Camille Lopes, qui a bien saisi l’esprit du groupe.

Je ne cacherai pas, au nom de l’objectivité, qu’E&P a touché le rapport que j’entretiens avec l’intériorité. En effet, depuis, je ne l’envisage plus seulement comme un système marqué par l’intimité, mais aussi, comme une dynamique nourrie par et pour le monde qui nous entoure. Et cela modifie subtilement, je m’en rends bien compte, ma façon d’interagir avec les autres.

Si quelqu’un doute encore de l’impact tangible que peut avoir l’art sur nos vies, vous avez besoin d’Excavation et Poésie.

Bonus de curiosité :

–        Dans le walkman de Charles en ce moment : Onda Vaga.

–        Sur sa table de chevet : Aller aux fraises d’Éric Plamondon (éditions Le Quartanier) et J’ai échappé mon cœur dans ta bouche de Samuel Larochelle (éditions Stanké).

–        Sur son fond d’écran de téléphone : le mont Mégantic en hiver.

Excavation & Poésie, c’est : Charles Lapierre, Laetitia Francoz-Lévesque, Olivier Dussault et Rafael Poggetti, sans ordre ni hiérarchie.


Auteur/trice