Rouyn-Noranda, une ville polluée? De 1925 à 1975, tout est rejeté dans l’environnement sans aucun traitement : le SO2 et les poussières toxiques de la fonderie Horne, les résidus miniers, les égouts municipaux, les ordures. Dans les années 1970, la ville est reconnue comme la deuxième plus polluée au Canada après Sudbury : une vraie « Grande Noirceur » environnementale.
Un grand changement prend forme à partir de 1975, dans la lignée de la Révolution tranquille des années 1960 et des contestations de l’ordre établi, que vient renforcer l’élection du Parti Québécois en 1976. La bataille pour la qualité de l’air est la plus importante et la plus intense.
En 1975, il y a création du Mouvement antipollution par les résidus miniers et du Groupe Gobair sur la qualité de l’air, qui fusionnent l’année suivante sous le nom Mouvement Anti-Pollution. Dès lors, les médias octroient une place importante à l’environnement et particulièrement aux retombées de SO2. Les prises de position se multiplient. En 1976, Fernand Bellehumeur et 30 citoyens obtiennent du juge Jean-Charles Coutu, de la Cour des petites créances, des compensations modestes (au plus 50 $) pour des dommages à la végétation résultant des retombées de SO2. M. Bellehumeur obtient du juge Bélanger des montants plus importants en 1978.
En 1977, Marcel Léger, le ministre de l’Environnement, confie au Bureau d’étude sur les substances toxiques (BEST) un important mandat de documenter tous les aspects de l’environnement à Rouyn-Noranda. Il en résulte un volumineux rapport de 40 documents, qui sont largement diffusés. Le ministre met aussi sur pied le Comité permanent sur l’environnement à Rouyn-Noranda (CPERN) pour qu’il représente, informe et consulte la population en rapport avec les études du BEST. Quarante ans plus tard, ces deux initiatives paraissent être les plus importantes d’un grand virage environnemental local.
Les études du BEST s’accompagnent d’un vaste débat public sur les actions à prendre, débat qui se poursuit pendant dix ans. La plus importante bataille est celle de l’usine d’acide sulfurique dans les années 1980. La fonderie Horne avait déjà commencé à moderniser ses installations avec la mise en production du réacteur Noranda en 1973, qui facilite le captage des gaz et des poussières. Cependant, elle tergiverse et menace même de fermer ses installations, jusqu’à ce qu’elle obtienne, en 1987, des « prêts » de la part des gouvernements fédéral et québécois, couvrant les deux tiers de l’investissement annoncé de 125 M$ pour la construction d’une usine d’acide sulfurique destinée à capter 50 % des émissions de SO2. L’usine entre en activité en janvier 1991.
Le CPERN, avec un large soutien de la population, réclame alors le captage de 90 % du SO2. En 1992, la compagnie s’engage à le faire pour l’an 2000, ce qu’elle réalise. Elle poursuit ensuite sa modernisation. En 2020, la fonderie fonctionne toujours et 96 % du SO2 est maintenant capté et les émissions de poussières ne représentent que 4 % de celles de 1978. Cependant, la bataille n’est pas terminée parce que les rejets d’arsenic, de plomb et de cadmium constituent encore un risque pour la santé d’une partie de la population.