Il me semble que cela fait une éternité. Que c’était avant le temps du choléra!

Vous souvenez-vous des événements qui ont marqué l’actualité dans ce pays avant le virus? Le blocus des voies ferroviaires par les Wet’suwet’en engendrait une certaine prise de conscience. Une interrogation s’était installée dans la population quant à la gouvernance des Premières Nations. C’est quoi ça, des chefs héréditaires? Ainsi s’interrogeait le citoyen ordinaire.

Nous avons pris conscience que le modèle de gouvernance, imposé depuis une centaine d’années par les instances fédérales aux communautés autochtones, fait peut-être notre affaire, mais qu’il n’a rien à voir avec leur conception du rapport au territoire. Dommage que ce débat n’ait pas eu lieu à cause du virus. Nous ne tirerons pas de leçons de cet épisode difficile de notre histoire collective, tout occupés que nous sommes à surveiller notre température corporelle et économique.

Cette conversation sociétale aurait peut-être réussi à aller plus loin encore que la question de la gouvernance autochtone entre chefs de bande élus et héréditaires. Nous aurions pu en profiter pour définir ce qu’est le consentement libre et éclairé d’une population. Parce qu’en matière de participation publique aux projets d’exploitation des ressources naturelles, nos communautés non autochtones n’ont pas de leçons de participation démocratique à donner. Si on projette d’extraire des matières premières, nous nous engageons tête baissée dans une mécanique dite d’acceptabilité sociale sans savoir comment la mesurer. Pire, en laissant à la fin un ministre décider à la fin. Pathétique.

Pathétique aussi parce que nos conseils municipaux (vous pouvez faire le parallèle avec les conseils de bande) se font imposer un programme par les promoteurs qui monopolisent l’espace de débats publics en demandant à nos élus de se prononcer en faveur de leur projet.

Un jour, un préfet de la Côte-Nord, homme sage, me racontait avoir demandé à un promoteur de reporter la présentation de son projet afin de concerter son conseil déjà déchiré sur le pactole à venir. C’était-là une solution de dernière minute pour éviter l’éclatement et la perte de cohésion des élus et la perte de confiance des citoyens. Il avait compris le risque éminent de déficit démocratique.

On voit trop fréquemment, au stade de l’avant-projet, des élus se prononcer prématurément sans connaître les conclusions des études d’impacts et sans se faire consentir une légitimité par leurs commettants pour le faire. Devant un tel risque de polarisation entre les tenants du développement à tout crin et les autres, l’inefficacité s’installera au sein du conseil. Au diable, alors, les priorités en matière de services de proximité et de qualité de vie.

Notez que j’ai bien dit légitimité, et non légalité. Nos élus municipaux ont bel et bien reçu les compétences pour gouverner le développement de leur territoire. Et ils ont en main les outils de planification et d’aménagement. Voilà le maître-mot : planification.

Tout comme l’acceptabilité environnementale, l’acceptabilité sociale se planifie et se mesure, en une dizaine de points, bien précis en plus.

C’est en l’absence de tout projet précis, à l’abri des influences extérieures,avec le temps nécessaire, en se dotant d’expertise neutre externe que la société civile d’un territoire devrait définir sa grille de performance sociale en matière de projets d’extraction ou d’exploitation des ressources naturelles. Il appartient aux élus de conduire l’exercice et de formaliser l’outil d’aide à la décision forgé avec la collectivité. La grille ainsi conçue permettra aux promoteurs de savoir d’avance si leur idée a une quelconque chance de recevoir un consentement libre et éclairé qui ne sème pas la division, et le milieu pourra déterminer s’il s’agit d’un projet d’intérêt.

L’exemple des Wet’suwet’en nous enseigne qu’une des premières conditions d’acceptabilité sociale à mesurer est l’impact des projets sur la gouvernance du territoire.

Sources:

https://www.lapresse.ca/actualites/national/202002/17/01-5261321-il-y-a-un-an-les-wetsuweten-et-la-c-b-souhaitaient-se-reconcilier.php

 https://www.quebec.ca/gouv/politiques-orientations/acceptabilite-sociale/

 https://www.cpeq.org/fr/guides/acceptabilite-sociale-des-projets/ii-les-facteurs-dacceptabilite-sociale

https://www.ledevoir.com/opinion/libre-opinion/465467/l-acceptabilite-sociale-un-concept-cynique


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