Personnalité médiatique bien connue, Rodrigue Turgeon, du haut de ses 26 ans, a déjà mis du sable dans l’engrenage du projet minier Authier de Sayona Québec en plus de s’impliquer auprès du groupe Gazoduq, parlons-en, qui s’oppose au projet de Gazoduc Inc et de GNL Québec.

Le jeune Amossois, titulaire d’un baccalauréat en droit, d’un diplôme de deuxième cycle en common law et droit transnational et étudiant à la maîtrise en biologie à l’Université de Sherbrooke, a aussi participé à la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques à Madrid en décembre 2019 (COP25) et a reçu le prix Porteur d’espoir 2019 remis par le Jour de la Terre.

« Je savais que j’étais différent », lance-t-il en entrevue. Une manière d’anticiper qu’il trouverait son propre chemin, dans une région où travail rime souvent avec tâches industrielles et manuelles.

UNE IMPLICATION ENRACINÉE

« Je m’implique toujours dans des causes environnementales, mais c’est l’aspect social qui m’importe d’abord », tient à nuancer Rodrigue Turgeon.

Son premier véritable combat, Rodrigue Turgeon l’a mené à la Polyvalente Laforest d’Amos.

« Dès le secondaire, j’ai commencé à m’impliquer et un des premiers combats a été les ustensiles à la cafétéria de l’école. Ils étaient distribués en sachets. Ça n’a pas été facile, il y a eu un peu de résistance, mais à la fin de l’année, il n’y en avait plus », a-t-il résumé.

Depuis, les luttes se sont ajoutées au fur et à mesure qu’ont émergé certains enjeux territoriaux. Près de la nature, près de la communauté de Pikogan également, Rodrigue Turgeon a développé une sorte de sentiment d’urgence pour la protection de l’environnement.

« Mon implication se concentre à impliquer les gens de la région dans des luttes contre les changements climatiques et pour la justice tout court. De manière générale, les règles sont faites en fonction que le projet sera accepté un jour. Le processus de consultation, j’en ai fait une question d’équité », plaide-t-il.

Le sens de la justice transcende l’implication et les efforts de transmission de l’information de Rodrigue Turgeon. Ses études en droit lui confèrent une longueur d’avance lorsque vient le moment d’analyser certains projets ou documents.

« Comprendre l’environnement légal implique un certain degré d’implication, mais mes études font en sorte que je comprends ce langage », explique-t-il.

LE RÔLE DE LEADER : UN POIDS?

La pression peut être forte lorsqu’on se frotte à des multinationales ou à des projets d’envergure. Rodrigue Turgeon assure qu’il sait se prémunir contre le caractère anxiogène d’être sur la ligne de front.

« Ça ne m’a jamais empêché de dormir, commence-t-il. Bien sûr, on peut ressentir de l’anxiété pour les choses qu’on ne contrôle pas, mais on a un contrôle sur nos propres actions et c’est dans l’action qu’on combat ce sentiment », enchaîne-t-il.

Régulièrement, le jeune étudiant dit recevoir de la rétroaction, des commentaires des gens de la région qui se disent contents et satisfaits parce qu’ils ont un porte-parole, une voix dans la région. Néanmoins, il ne fait pas du militantisme une manière de vivre.

« Je ne vois pas ça comme une carrière, mais plutôt comme un mode de vie. Pour le moment, je m’active à consolider un réseau de relations. Je crois que globalement, il faut se consolider comme société civile québécoise ». Il y voit une manière d’assurer une cohérence collective par rapport aux enjeux futurs.

La force du nombre et des citoyens et citoyennes qui remettent les choses en question, il en fait aussi une question d’équilibre démocratique, qui doit néanmoins s’effectuer dans le respect.

« Les prises de position peuvent susciter des discussions et je trouve que c’est sain, et je m’efforce d’amener les choses de manière respectueuse. J’avoue qu’étudier en droit m’a permis de comprendre la limite à ne pas franchir. Je connais la loi sur la diffamation », précise-t-il en souriant.

Des choix pour l’avenir

« La mobilisation fluctue toujours, mais c’est une course à relais », souligne Rodrigue Turgeon qui constate qu’il y a toujours une forme de recommencement lorsque vient le moment de s’investir pour une cause.

En marge des luttes, il caresse le rêve de descendre la rivière Harricana, d’Amos jusqu’à la Baie-James. Le projet est inscrit au menu de l’été, si possible. Ce besoin de déconnexion est essentiel.

« On est des bénévoles qui se retrouvent avec la langue à terre par rapport à de grandes entreprises qui ont d’importants moyens. Mais derrière ces groupes, ce n’est pas l’identité de l’Abitibi-Témiscamingue, ce n’est pas non plus le mouvement étudiant ni les jeunes, c’est tout un mouvement social. En fait, nous sommes tous des Henri Jacob : on le fait pas pour gagner, on le fait parce qu’il faut le faire », résume-t-il.

Au-delà des projets particuliers, Rodrigue Turgeon ajoute que des réflexions de fond devront être faites et peut-être aussi un examen de conscience. Selon lui, il est temps de revoir certaines activités de loisirs et pratiques individuelles.

« La nécessité de croissance économique s’accompagne d’une augmentation de la pression sur le territoire. Il y a peut-être lieu de reconnaître que certaines choses sont révolues. Des machines à polluer pour le fun… je trouve ça aberrant, il y a peut-être lieu de revoir les loisirs », conclut-il.


Auteur/trice

Lise Millette est journaliste depuis 1998, tant à l'écrit qu'à la radio. Elle a également été présidente de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ). En Abitibi-Témiscamingue, elle a été rédactrice en chef de L'Indice bohémien en 2017 et depuis, elle continue de collaborer avec le journal.