J’ai rencontré Myriam Lambert durant le montage de son exposition à la Maison de la culture d’Amos. L’équipe de montage était à pied d’œuvre : l’installation Diluvio prenait forme dans toute sa splendeur. La barque de fibre de verre flottait dans l’espace à un peu plus d’un mètre du sol et de petits poids en forme de goutte d’eau se balançaient au bout de fils à pêche pendus au plafond.

Pourtant, peu de gens la verront. Les centres d’exposition sont fermés et les rassemblements, à éviter. Il n’y aura ni vernissage ni visite du grand public. L’équipe d’Amos et Myriam Lambert travaillent avec un pincement au cœur; ils espèrent que d’ici la fin de l’exposition, les portes rouvriront, l’exposition prendra vie et les gens pourront apprécier la démarche de l’artiste.

LES DEUX INSTALLATIONS

Myriam Lambert travaille d’abord avec les communautés. Elle les rencontre et leur pose chaque fois la même question : quel est, selon vous, votre lieu de mémoire? Elle traque les artéfacts du passé dans la mémoire collective. C’est un travail à la limite archéologique, mais qui présente l’intérêt d’aller non pas du côté scientifique de la relation à l’environnement, mais du côté de la transformation de cette relation dans la psyché collective et, surtout, émotionnelle. « Explorer des archives, ça finit par être émouvant, » dit l’artiste.

DILUVIO

Il est question ici d’un déluge récurrent et problématique qui oblige les habitants de San Rafael, au Mexique, à vivre dans une barque plusieurs jours, deux ou trois fois par année. Un petit village que les gens ne veulent et ne peuvent pas quitter : leur vie est liée à des plantations de banane qui prospèrent grâce à ces inondations. L’installation propose la recréation d’une barque. Illuminée, celle-ci domine la salle. La fibre de verre dont elle est faite crée un amalgame entre cette matière première et la peau humaine. La barque est faite, symboliquement, des habitants du petit village. Derrière la barque suspendue, on peut apercevoir des images de celui-ci.

PIPELINE

L’exposition Pipeline propose essentiellement de la vidéo; une projection double sur cimaise. Portant sur la fonte des glaces, la première vidéo crée un discours poétique et dramatique avec une trame sonore sans fin, à l’image de l’univers liquide proposé : le cycle de l’eau est infini, la fonte des glaces ne signifiant pas la perte de ce qui fond, mais sa transformation en quelque chose d’autre, menaçant dans le cas des changements climatiques. L’inspiration de Myriam Lambert vient d’une résidence à Genève durant laquelle elle s’est entretenue avec les habitants et a constaté que l’eau du lac Léman était fortement associée pour eux à l’idée qu’elle provenait de la fonte d’un glacier.

La seconde projection présente l’emblématique jet d’eau de Genève. La parenté formelle entre celui-ci et un puits de pétrole a frappé l’artiste : après tout, le pétrole est la trace de temps immémoriaux comme les lacs provenant de la fonte de glacier. Le symbolisme de cette parenté évidente a généré le titre de l’exposition (le pipeline permet la circulation des fluides), en lien avec le cycle de la fonte des glaces.

CIEL D’ABITIBI ET PATTES DE MOUCHE

Outre le montage de cette exposition, Myriam Lambert participe à un projet de création en collaboration avec le Centre d’exposition d’Amos et celui de Val-d’Or, ainsi qu’avec d’autres partenaires, dont la Société d’histoire. Le projet a comme matière première l’histoire, et l’artiste devait explorer les archives valdoriennes pour poursuivre son processus de création autour de la question « Quel est votre lieu de mémoire? » dans la région. Même si le projet est repoussé, Myriam Lambert va effectuer ses recherches et entamer son processus créatif.

La Maison de la culture d’Amos a décidé d’annuler l’exposition estivale prévue et de garder les deux installations de Myriam Lambert tout l’été dans l’espoir que, peut-être, elle pourra ouvrir ses portes au public.


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