Pour Jacques Baril, une sculpture de neige qui s’évanouit sous un soleil trop fort, ce n’est ni un risque ni une tragédie. Ce qui importe n’est pas tant le résultat, comme le voyage qui a été nécessaire pour y arriver. « On met la même énergie et le même espoir sur une œuvre éphémère pour arriver au bout de notre projet et le réaliser. On travaille fort, mais à l’instant même où on dit que l’œuvre est finie, on l’abandonne d’une certaine manière », commence M. Baril.

L’artiste ajoute que souvent, la réalisation d’œuvres éphémères dans l’espace public est aussi un exercice de groupe. « Il en reste presque toujours un souvenir assez impérissable du travail et de l’énergie investis pour faire ça, et des souvenirs de ceux avec qui on était. C’est sûr qu’il y a un résultat à la fin qui est émouvant… et on sait que le regard qu’on va jeter à la fin, c’est un regard qui ne va plus exister après », illustre-t-il.

Il ajoute que, même si au terme de l’exercice, l’œuvre se détériorait dans l’instant suivant, il accepterait cette finalité. « Ça ne me dérangerait pas parce que c’est tout le contexte de réalisation de l’œuvre qui est intéressant. C’est vivre le moment présent », résume-t-il.

Cette forme de renoncement, Jacques Baril ne la voit pas comme un deuil, mais comme une libération. « Certains artistes développent un attachement à leurs œuvres, comme si on traînait quelque chose à l’arrière de soi. Pour moi, c’est une libération parce que je reprends mes ailes pour aller vers un autre projet. Au fond, l’œuvre je ne l’abandonne pas, je la donne au temps et à l’environnement ».

Son plus récent projet a été réalisé dans le cadre des Nuits (bi) polaires. Il a réalisé un ensemble qui prenait la forme de grandes lanternes dans un concept collectif qui intégrait aussi le travail de Christian Ponton et de Valentin Foch, dans un projet de sculpture sur neige et d’art numérique.

« Je voulais travailler sur l’idée de la lumière, en partant du point de vue qu’en hiver, la lumière on en a moins. J’ai proposé d’y insérer des lanternes et je me suis inspiré de la forme des lampes des années 1950 pour créer ma sculpture », explique-t-il.

L’ART À L’ÈRE DU CONFINEMENT

La pause imposée par la gestion du coronavirus a forcé Jacques Baril à suspendre plusieurs projets. « Avec le confinement, j’ai dû abandonner deux semaines d’activités dans les écoles. Chaque hiver, je fais une tournée pour faire des centaines de sculptures sur neige avec les jeunes. Cette année, ça s’est arrêté brusquement », confie-t-il.

Cet isolement ne sera pas oisif pour lui qui en profite pour poursuivre deux projets d’envergure : une œuvre qui sera placée à l’entrée sud de Malartic, avec le concours de la minière Canadian Malartic; et une autre pour l’île Nepawa. « Cet autre projet est une sculpture qui raconte un peu le périple des Madelinots qui sont venus s’y installer. Cette œuvre sera visible du lac Abitibi », affirme-t-il.

Le temps est peut-être lui aussi éphémère, mais Jacques Baril sait que le temps a simplement besoin d’être habité.


Auteur/trice

Lise Millette est journaliste depuis 1998, tant à l'écrit qu'à la radio. Elle a également été présidente de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ). En Abitibi-Témiscamingue, elle a été rédactrice en chef de L'Indice bohémien en 2017 et depuis, elle continue de collaborer avec le journal.