Artistes des arts visuels, des métiers d’art et de la littérature : tous les artistes reconnus par la loi au Québec entrent dans une de ces catégories. Or, les auteurs de jeu n’y figurent pas. Pourtant, ils exercent, comme tous les artistes, un métier qui demande de la créativité, du dévouement, beaucoup de patience et, surtout, de la passion. C’est cette passion pour le jeu qui les pousse à continuer : l’envie de voir leur projet dans les mains des ludophiles, d’offrir aux gens de passer un moment agréable avec leurs parents et amis. C’est la plus grande reconnaissance que les auteurs peuvent souhaiter.

Alors qu’en France ou en Allemagne, la profession connaît une progression fulgurante et jouit d’une certaine reconnaissance, au Québec, elle est encore à l’état embryonnaire. La popularité croissante du jeu de société, due en partie à la démocratisation de la culture geek, contribue petit à petit à la création de regroupements d’auteurs de jeu au Québec. Ces regroupements ont pour objectifs d’offrir un lieu de rencontre (virtuel ou physique) aux auteurs afin d’échanger des idées, des outils ou des techniques, d’organiser des soirées où ils pourront mettre leurs prototypes à l’épreuve et faire du réseautage avec les éditeurs de jeu et les différents acteurs du milieu.

Les rencontres virtuelles sont excellentes pour stimuler la créativité et la motivation des auteurs, mais la réalité est telle que les rencontres physiques sont nécessaires au développement d’un jeu de société. Si l’idée, la conception et la création reviennent à l’auteur, la mise à l’essai du jeu (playtest) doit idéalement se faire avec des collaborateurs externes : des amis joueurs, d’autres auteurs de jeu ou le public, directement. Dans les grands centres urbains, ces rencontres ont lieu à des intervalles réguliers (souvent deux fois par mois), mais on peut comprendre qu’en Abitibi-Témiscamingue, avec un territoire aussi vaste et un bassin de population plus restreint, les regroupements n’existent toujours pas, et les séances de mise à l’essai non plus.

La réalité des régions en est une qui ajoute à la difficulté des auteurs de jeu, et c’est une des raisons pour lesquelles très peu de Témiscabitibiens ont réussi à publier leurs projets. Bruno Crépeault (Rockwell, Sit Down!, 2013) et Éric Raymond (Mafia Casino, autoédition, 2012) sont parmi ceux qui ont profité des années où la compétition dans l’industrie était moins féroce. Aujourd’hui, avec la sortie de plus de 3000 nouveaux jeux par année, le marché est de plus en plus difficile à percer, et l’entraide entre les artisans du milieu devient cruciale.

La tenue d’événements comme le 15-2, qui a eu lieu à Val-d’Or en octobre dernier, vient mettre en lumière le travail accompli dans l’ombre par les créateurs de jeux. Le Valdorien Éric Coulombe y a d’ailleurs présenté son jeu Kröm-lek lors du concours de création, et cette soudaine visibilité marque le début d’une nouvelle étape, pour lui, pour son projet et pour la profession d’auteur de jeu en Abitibi-Témiscamingue.


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