Tagwakin, miaja misewak nika. On y est, les outardes annoncent l’automne. Les feuilles qui tombent, les jours qui deviennent de plus en plus courts, les premiers gels commencent doucement à nous rappeler que l’hiver s’en vient. Les plus sensibles sentiront en eux cette baisse d’énergie et ce besoin de confort. D’autres redoubleront d’efforts pour terminer les rénovations sur leur maison. Bientôt, les outardes amorceront leur grande migration et par leur passage, ils annonceront aussi le signal du changement de saison.

Pour les ancêtres anicinabek, cette métamorphose de la nature se déroulait en deux saisons. L’automne, tagwakin (septembre à octobre) et le préhiver, pitci pibôn (novembre à la mi-décembre). C’était leur appel à un grand voyage. Ils devaient préparer leur longue randonnée vers leur territoire de chasse. Un grand festin, makoshan, était organisé avant de dire au revoir à aux familles élargies qui partaient en plus petits groupes vers les territoires de chasse.

Je ne peux m’empêcher de penser à tout le travail qu’ils devaient effectuer. Pas de temps pour les blues de l’automne, ça, c’est certain. La pêche et la chasse s’intensifiaient, les femmes fumaient la viande dans les petits tipis pour faire des provisions et s’affairaient à préparer des vêtements chauds pour le temps froid qui promettait son arrivée prochaine.

Voici un poème de Roger Wylde, artiste anicinabe, qui décrit bien le tagwakin :

Je marche et je marche

Je remarche les pas de mes parents et de mes grands-parents, et des siens.

Ni kopinan, je reviens dans le bois comme eux

J’ai l’impression de tourner en rond, je refais les mêmes gestuelles que les anciens

Enfin, c’est qu’on dit,

C’est le cycle des saisons anicinabe.

J’aperçois très haut dans le ciel, une pointe de flèche

C’est Nika, l’outarde, qui est à la tête et emmène sa famille dans les régions plus chaudes, poussant ces sons familiers.

Miaja, tagwakin est là, et remet son manteau resplendissant, de toute beauté

La tranquillité s’installe peu à peu

Le chant de pinecic, l’oiseau et des siens qui ont aussi quitté, il y a un moment déjà

J’arrive près de kitci sipi, la grande rivière qui prend mon canot et le laisse glisser vers les lieux où sont nés mes parents

Amik, le castor, a terminé sa hutte et a amassé sa nourriture pour pibôn, l’hiver

Je vois que yâbe, l’orignal mâle, a enlevé son duvet sur les grosses branches et sur l’écorce des arbres

Il doit être énorme et impressionnant, ce mâle,

On va bientôt l’entendre.

Nôdin, le vent se fait aussi sentir et murmure tout doucement à mon oreille

Bienvenue chez toi, mon vieil ami!