Lorsqu’on évoque la présence des médias socionumériques dans l’arène politique, une des premières choses qui vient à l’esprit est la campagne à la présidence de Barack Obama. En 2008, l’utilisation des médias socionumériques à des fins politiques était à ce point nouvelle qu’elle a été comparée à l’arrivée de la télévision par certains chercheurs universitaires. Son usage des médias socionumériques et d’Internet au sens élargi a notamment été comparé à l’adoption de la radio par Franklin D. Roosevelt et de la télévision par John F. Kennedy. Dans tous ces cas de figure, un nouveau médium était exploité pour une première fois afin de participer aux communications entre la Maison-Blanche et le public américain.
Ça fait maintenant dix ans. Le moins qu’on peut dire, c’est que le temps a passé et que les choses ont relativement évolué – ou régressé, selon le point de vue. On n’a qu’à penser à Donald Trump, actuel président des États-Unis, dont l’usage des médias socionumériques pour discréditer les médias traditionnels est désormais notoire.
Les médias socionumériques impliquent nécessairement une socialisation par un environnement numérique. Ces interactions évoluent, et leur dimension « sociale » semble péricliter. Alors que les sociétés sont de plus en plus polarisées, on se retrouve devant des fils d’actualité qui ne reflètent finalement que nos propres croyances et valeurs (à ce sujet, voir les questions de la consonance et de la dissonance cognitive dans la chronique Voir au-delà des « faits alternatifs »). Cette dynamique, qui semble particulière aux médias socionumériques, permet la légitimation de courants de pensée autrefois posés comme extrêmement marginaux. À titre d’exemple, le courant des flat-earthers, qui promeut l’idée selon laquelle la terre est plate et que l’idée d’une terre sphérique est un complot, compte de plus en plus d’adeptes. On peut aisément se demander si de telles notions seraient aussi largement disséminées sans l’environnement socionumérique d’aujourd’hui.
À ce sujet, la campagne électorale québécoise qui vient de prendre fin reflète la polarisation qui s’accentue au sein des débats socionumériques. On y retrouve notamment des enjeux électoraux souvent basés sur des généralisations, ce qui génère certains mythes. On se fait des idées mythiques de l’immigrant qui ne parle pas français et qui ne s’intègre pas, ou du fonctionnaire syndiqué qui ne fait rien (ce n’est pas que ces figures n’existent pas, c’est qu’on exagère largement leur prépondérance). Ces idées mythiques sont largement issues de l’esprit de généralisation qui règne sur les médias socionumériques.
Quand les opinions sont fondées sur des mèmes et sur des articles provenant de sites douteux partagés sur Facebook, on se retrouve devant un contexte sociopolitique fondé sur du mythe.
Novembre 2018