Mélomane, féru d’histoire et « musicurieux », le journaliste spécialisé en histoire de la musique québécoise Félix B. Desfossés scrute les fondements de la culture de la chanson populaire, tous genres confondus. « L’histoire ne se répète peut-être pas, mais elle rime souvent. Il y a des cycles qui se ressemblent d’une époque à l’autre, d’une génération à l’autre », indique-t-il.

 

Après L’Abitibi-Témiscamingue sur vinyles présentée en 2017 au Centre d’exposition de Val-d’Or, Félix B. Desfossés signe Le patrimoine musical du Témiscamingue qui s’installe cette fois à la galerie du Rift de Ville-Marie jusqu’au 20 janvier. Cette exposition met l’accent sur les chanteurs et chanteuses du Témiscamingue, et plusieurs artéfacts et pièces d’anthologie régionales s’y glissent également. « On pourra voir plusieurs disques vinyle, beaucoup d’instruments de musique, des costumes portés sur scène par des musiciens de la région, des magazines, des journaux, des cartes postales et des objets promotionnels. Le tout fait partie d’un circuit de panneaux didactiques qui couvre les années 1940 à 1980, l’époque où le vinyle a été important dans nos vies », résume l’auteur.

 

Les visiteurs pourront écouter des extraits musicaux accessibles avec un code QR « pour éviter la cacophonie ». Les gens seront invités à apporter leurs casques d’écoute pour s’immerger dans la musique et le temps.

 

PLACE AUX FEMMES!

« Ce qui m’est apparu particulier au Témiscamingue, c’est que la musique y a quelque chose de très féminin, voire de matriarcal. Même chez les hommes, plusieurs ont confié y avoir été initié dans leurs familles, m’ont parlé de leur mère, de leurs tantes, de leurs enseignantes », confie Félix B. Desfossés.

 

En réécoutant les premiers enregistrements, le journaliste a découvert que la première personne à avoir enregistré un disque professionnellement a été Blanche Leblanc, de La Force. C’est elle qui, en 1946, s’est rendue dans un studio situé dans le sud du Québec pour enregistrer sa voix sur vinyle. La chanteuse y a gravé la pièce La Paloma à Dieu. « Blanche Leblanc chantait dans les mariages et dans tous les événements de La Force et de Latulippe. C’est sa sœur qui avait payé pour l’enregistrement pour pouvoir l’entendre. Le disque est passé de main en main et on ne sait pas où il est rendu aujourd’hui », confie celui qui espère retrouver sa trace.

 

Parmi d’autres grandes interprètes du Témiscamingue, citons Jacqueline Lemay, née à Guérin en 1937, qui a notamment écrit la chanson thème de la journée de la femme de 1975 commandé par l’ONU La moitié du monde est une femme. On lui doit également de nombreuses ritournelles pour enfants comme Luc va à l’école ou encore L’eau vive (Courrez, courrez vite si vous le pouvez).

 

CHANSONS, ROCK ET COUNTRY

L’histoire de la musique enregistrée telle que racontée par Félix B. Desfossés s’attarde aux différents genres musicaux. Le patrimoine musical du Témiscamingue embrasse ainsi un vaste répertoire. « On ne doit lever le nez sur aucun style de musique, aucun type de manifestation artistique. Notre culture est extrêmement riche… Quand on lève le nez sur le yéyé, le disco ou le country, on lève le nez sur tellement de créateurs et sur une culture qui nous appartient », tranche-t-il.

 

De Jérôme Lemay du groupe Les Jérolas, né à Béarn, à Jacques Michel (Amène-toi chez nous) originaire du quartier Bellecombe de Rouyn-Noranda, en passant par Dany Aubé de La Sarre ou Raoul Duguay de Val-d’Or, l’Abitibi-Témiscamingue foisonne d’artistes qui ont marqué les générations. Félix B. Desfossés entend bien redonner à ces idoles du passé la place qui leur revient dans l’histoire. « C’est comme si, collectivement, on avait présumé que ce n’était pas bon ce qu’on avait fait dans les années 1960, mais sans jamais se demander pourquoi… En faisant mes recherches, j’ai réalisé qu’on n’avait rien à envier à la France ou ailleurs. On a eu nos génies », assume-t-il pleinement.

 

Celui qui s’est spécialisé dans la musique populaire voit aussi dans sa démarche une manière de sonder l’identité québécoise dans ses diverses manifestations artistiques. « Pour moi, l’identité du Québec passe par sa musique; plus on va embrasser, connaître et accepter notre histoire musicale, plus on va connaître en profondeur notre identité », résume-t-il.

 

Félix B. Desfossés est né à Rouyn-Noranda et travaille comme journaliste à la radio de Radio-Canada. Il est également cofondateur du Musée du rock’n’roll du Québec et a publié en 2014 le livre L’évolution du métal québécois.


Auteur/trice

Lise Millette est journaliste depuis 1998, tant à l'écrit qu'à la radio. Elle a également été présidente de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ). En Abitibi-Témiscamingue, elle a été rédactrice en chef de L'Indice bohémien en 2017 et depuis, elle continue de collaborer avec le journal.