Ce n’est plus un secret, les régions n’intéressent pas les médias québécois. Après une dégringolade vertigineuse, la couverture des enjeux régionaux est récemment passée sous la barre du 1 %, selon un rapport publié par Influence Communication. Sachant que ces mêmes régions représentent près du quart de la population de la province, cette sous-représentation devrait soulever beaucoup plus de questions. Malheureusement, ce n’est pas le cas et c’est pourquoi Radio-Canada a pu annoncer des coupures de 50 % dans le temps d’antenne du Téléjournal de Rouyn-Noranda sans trop de bruit.

                                                                                    

Malgré le fait que la Loi sur la radiodiffusion canadienne stipule très clairement que la Société Radio-Canada doit « rendre compte de la diversité régionale du pays », les régions sont pratiquement toujours les premières touchées par les compressions et les dernières à profiter des cycles de réinvestissement. Ainsi, en dépit des 675 millions $ annoncés en mars dernier dans le budget fédéral, Radio-Canada a choisi de maintenir le cap vers les quelque 1 500 postes qui seront supprimés d’ici 2020. On peut donc s’attendre à voir une réduction encore plus marquée des effectifs régionaux qui sont déjà largement diminués.

La raison de cette perte de diversité au niveau régional est complexe, mais elle peut notamment s’expliquer par une concentration de la presse aux mains d’une minorité. Effectivement, à eux seuls, Gesca et Québecor se partagent plus des deux tiers du lectorat québécois. Cette concentration se traduit ensuite par une uniformisation et une polarisation de la nouvelle qui permet de réduire les couts de production. En d’autres mots, cela veut dire que les médias couvrent essentiellement les mêmes nouvelles sous le même angle de sorte que 91 % des actualités de la province portent sur Montréal, Québec ou encore Saguenay.

Des impacts concrets

Il est souvent perçu, à tort, que plus une nouvelle est couverte par les médias, plus elle est importante. Par conséquent, si un sujet est absent de la scène médiatique, il sera aussi marginalisé dans la vie citoyenne et politique. De manière plus concrète, il a été possible d’observer, au cours des dernières années, un impact direct de la réduction de la couverture médiatique des enjeux régionaux sur le plan politique. Selon une étude réalisée par Influence Communication en 2016, lors des dernières élections de 2015, la place accordée aux régions dans les débats a été réduite à seulement 1,78 %, ce qui représente une perte d’intérêt de 73 % par rapport à la campagne de 2011.

Une couverture axée sur la catastrophe

Il faut également noter que lorsque les régions arrivent à se hisser dans les médias à plus grand tirage, c’est généralement pour faire état d’une catastrophe. C’est ce qui s’est produit en 2013 lors de la tragédie de Lac-Mégantic et, plus récemment, à Val-d’Or à la suite de l’affaire concernant des femmes autochtones. Bien que ces nouvelles se doivent d’être débattues dans l’espace public, il est déplorable que ce soit seulement ces informations qui arrivent à percer le filtre puisque cela a un effet direct sur les perceptions des Québécois et des Québécoises par rapport aux régions. Cela pourrait notamment expliquer partiellement la ténacité de certains mythes envers les réalités régionales, particulièrement le mythe selon lequel il ne se passe rien à l’extérieur de Montréal.

En effet, les médias contribuent largement à fixer les modes de pensée puisque, selon les chercheurs et chercheuses, nos opinions se basent sur le monde tel que nous le percevons et les images sur lesquelles se basent ces perceptions proviennent largement de nos médias.

Il est également important de souligner que lors de la couverture d’une nouvelle considérée suffisamment importante pour apparaitre dans un média à plus grand tirage, ces mêmes médias vont essentiellement dépêcher des équipes basées dans les grands centres urbains pour couvrir ce qui se passe en région. Dans ces nombreux cas, la méconnaissance du contexte socioéconomique de la région dont font preuve les reporters entraine trop souvent des biais qui, à leur tour, contribuent aux stéréotypes. Considérant les nombreuses compressions dans le financement des médias régionaux, tout porte à croire que cette tendance n’ira qu’en s’accentuant.

Un nouveau programme pour l’information régionale

Dans un rapport publié en janvier dernier, le Forum des politiques publiques (FPP) proposait dans l’une de ses recommandations de créer une branche spéciale de La Presse canadienne qui serait chargée des nouvelles régionales. Ce nouveau service sans but lucratif serait constitué de 60 à 80 journalistes dont le mandat serait de couvrir l’information régionale et locale pour l’entièreté du Canada.

Bien qu’il soit intéressant que le problème du manque de couverture des enjeux régionaux soit soulevé, il apparait évident que 60 à 80 journalistes soient insuffisants pour couvrir des millions de kilomètres carrés de territoire. Il tarde donc encore de voir apparaitre une réelle solution pour remettre nos régions sur la carte médiatique. 

UN MOT SUR LA DÉMARCHE

Dans son sens toponymique commun, le terme Abitibi désignerait l’endroit où les eaux se séparent. « Malgré la route qui nous sépare » est un projet qui convie à un exercice littéraire des personnes originaires de l’Abitibi-Témiscamingue, ou qui y sont fortement attachées, qui y transitent occasionnellement, mais qui, en somme, résident ailleurs que dans la région. Le but de ce regroupement vise à créer et à diffuser des textes ou autres formes de créations portant sur des enjeux régionaux. En effet, nous souhaitons contribuer à stimuler le débat public ainsi que la participation populaire aux diverses décisions et réalités (politiques, économiques, écologiques, sociales, etc.) qui influencent le cours de la vie en région.

En collaboration avec L’Indice bohémien, nous vous proposons ainsi une série d’écrits qui se retrouveront périodiquement dans la version papier de la revue culturelle ainsi que sur la plate-forme web. Nous croyons que ce qui devrait nous séparer des réalités régionales, ne devrait être, en effet, qu’une route. Par l’entremise de ce projet, nous souhaitons affirmer activement notre engagement envers l’Abitibi-Témiscamingue.

Dans un esprit de dialogue, nous vous invitons à réagir et à partager vos commentaires et réflexions suite à la lecture des textes. Pour se faire, vous pouvez nous en faire part via l’adresse courriel suivante : laoularoutenoussepare@gmail.com


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