Tu te demandes pourquoi je t’écris ce soir ? Peut-être est-ce la lumière qui manque depuis l’automne. On appelle cela le blues d’hiver. Il se peut aussi que ce soit ces messages que je vois apparaitre sur nos réseaux sociaux. Tu sais, tous ces propos répétant, telle une tempête, sur tous les tons : « Regardez, je suis là !» Cela contraste tant avec ce que je sens de toi que me vient l’envie de destiner ce texte.
Ton mutisme est criant pour qui sait le déchiffrer : « Je suis là et je ne vais pas bien… » Nous nous croisons sur la rue, dans les temples d’achat ou à l’aréna ; dans la vie, à tout hasard. Tes gestes lents, ton regard embué qui n’ose me regarder, ta démarche incertaine, ton souffle tremblant. Alors je t’entends et je comprends.
Voilà pourquoi je te destine ces lignes. Tout de suite, elles sont tout ce que j’ai pour toi.
Je sais la conscience qui perd ses repères. Je sais l’énergie absente de l’esprit essoufflé. Le froid intérieur éteignant la moindre des braises. Les soupirs fondant sur les paysages sans contour. Je sais les rafales de frayeur. J’ai vécu, il y a très longtemps, pareille chute au fond du fond. Bien sûr, ton histoire est très différente, mais je reconnais ton mal être. Et j’ai mal…
Nous vivons des temps où les solitudes sans nombre et les dépressions sans nom constellent les nuits blanches. Une époque où les lueurs du « nous » abandonnent l’horizon. Un siècle où on doit produire à tout prix. On en arrive, une fois à bout et blessé, à ne percevoir que des phrases du genre : « Honte à ces faibles qui crient à l’aide. Honte aux âmes flétries. Honte à qui que ce soit incapable de fournir la machine. Souffrez en silence, on n’a que faire des démissions… quelles qu’en soient les raisons. »
On ne peut pourtant demander d’être aussi allumé qu’un ordinateur… Comme si l’électricité pouvait remplacer les sourires ou les caresses. Comme si les « bonus » arrivaient à combler le manque d’heures de sommeil. Désolé, les néons n’éclairent pas les cœurs.
C’est sous ce genre de pressions, qui peuvent être de tout ordre, que les âmes plongent dans le noir. Maladie maudite, résultat d’exiger, les uns des autres, d’aller au-delà de nos forces, de notre humanité…
Ma condamnation ne t’aide pas, je le sais. Je m’emporte, je m’en excuse. Ce soir, je ne sais que faire d’autre que t’écrire quelques lignes. Te dire que tu n’es pas seule. T’inviter à te reposer, à te laisser tomber, à te laisser dormir dans la mesure du possible.
Tu peux prendre l’air et marcher lorsque tu en auras la force. Marcher soutiendra ta remise sur pied. Demande de l’aide, toute celle dont tu as besoin, ne te gêne surtout pas. Demande ce que tu voudras. Aide-nous à t’aider !
Il n’y a pas que moi. Sache aussi que nous sommes nombreux à penser à toi, à être solidaires. On peut te prendre dans nos bras, on peut te donner la main si tu en as besoin. C’est juste humain. Et nous sommes encore très nombreux à croire encore au printemps.