C’était il y a vingt, c’en est l’anniversaire ces jours-ci. C’est une soirée qui s’est mal finie. J’étais jeune et j’étais en hostie! Il faut vous imaginer la journée : un jeune souverainiste, qui vient d’avoir 18 ans un mois avant, qui vote pour la première fois et à qui on demande s’il veut un pays. Le rêve! Congé de cégep, vote à l’école du coin et soirée avec un six-pack chez un ami. Pas besoin de refaire le scénario et revoir le OUI en décrescendo. J’étais en hostie!

Ç’a été 50-50, ou presque, défaite amère ou victoire morale, mais les conclusions étaient sans appel : le Québec, son peuple s’était refusé à lui-même. Ça laisse des traces dans une psyché collective. Le Québec s’est voulu Tanguy : assez grand et capable pour partir seul, dans sa propriété, et choisir les meubles et les couleurs sur les murs, mais préférant le confort douillet et sécurisant du sous-sol en préfini parental canadien. Et c’était une deuxième fois en quinze ans! Il faut avoir un peu honte quand on se regarde dans notre miroir national : nous sommes le seul peuple issu des grandes colonisations européennes des XVIe et XVIIe siècles à ne pas être indépendant. États-Unis? Yes, 1776! Mexique? Si, 1821! Brésil? Sim, 1825! Le Canada, lui-même : 1867. Le Suriname (le Suriname!!!) : 1975. C’est à se jeter par la fenêtre!

Je pourrais rager encore sur le référendum volé, les basses manœuvres fédérales, les listes électorales trafiquées, les millions de dollars versés illégalement. Mais on ne fait pas un pays par la peau des fesses, en comptant les voix à la dizaine près, ni non plus par une marge fixée par un parlement étranger.

Je regarde ce qui se passe ailleurs, et je pleure presque à voir les drapeaux et la fierté qui les déploie : Écosse, Catalogne, tantôt la Flandre, peut-être. Sont-ils des gens fermés sur eux-mêmes, prisonniers d’idéaux des siècles derniers? Sont-ils racistes ou xénophobes? Ne comprennent-ils pas les bienfaits immenses de la mondialisation et des frontières qui disparaissent? Non. Ils sont fiers d’eux-mêmes, d’abord. Ils reconnaissent leurs torts surement, mais jamais au prix de se priver de la totale liberté d’un peuple.

Nous avons pris un chemin inverse, depuis vingt ans. Celui de la résignation tranquille. Le discours, c’est qu’il n’y a plus d’argent. Nos seuls projets de société sont des centres commerciaux aux abords des autoroutes ou de futures baisses d’impôt. Notre fierté, c’est pouvoir aller dans le Sud chaque hiver. Nos grands moments collectifs sont à la télé les dimanches soirs. Les profs et les étudiants sont devenus des enfants gâtés; les verts, des gêneurs économiques; les gens de droite, des lucides. Il y a trop de bleu le 24 juin et l’attachement à notre culture est devenu une fermeture à l’autre. L’amour du Québec est devenu suspect, dépassé. Ce qui est bon pour 200 nations ne l’est pas pour nous. Et pourtant, aucun pays n’a refait un référendum pour poser la question : voulez-vous revenir en arrière?

Je suis en hostie! \


Auteur/trice

Abitibien d’adoption, Valdorien depuis 20 ans, Dominic Ruel est enseignant en histoire et géographie au secondaire. Il contribue à L’Indice bohémien par ses chroniques depuis les tout débuts, en 2009. Il a été président du CA de 2015 à 2017. Il a milité en politique, fait un peu de radio, s’est impliqué sur le Conseil de son quartier et a siégé sur le CA du FRIMAT. Il aime la lecture et rêve d’écrire un roman ou un essai un jour. Il est surtout père de trois enfants.