La plupart du temps, une roulotte, on s’en sert pour s’évader, pour sacrer le camp tout seul avec sa famille, et surtout pour s’isoler, autour d’autres roulottes. C’est tout le contraire avec la roulotte du Wapikoni mobile, puisqu’on l’utilise pour se retrouver, se rapprocher. Parcourant plus de 20 000 km par été, le Wapikoni mobile va se parquer dans plusieurs communautés autochtones du Québec pour accompagner et encourager les jeunes à réaliser des courts-métrages. La roulotte est tout équipée, du matériel de tournage aux équipements de postproduction, pour capter les rêves et les réalités des habitants des réserves et des communautés.

À la tête de cette initiative se trouve la scénariste et réalisatrice Manon Barbeau (Les enfants du Refus global (1998)), qui, en 2010, a produit le documentaire Escale à Kitcisakik, réalisé par Mathieu Vachon. Ce long-métrage dresse le portrait de l’expérience Wapikoni dans l’une des communautés les plus démunies du Québec.

Pour illustrer la situation tragiquement absurde de cette communauté, à Kitcisakik, il y a un barrage hydroélectrique tout près, mais personne n’a l’électricité ni l’eau courante. Bref, dans ce village situé au bord du réservoir Dozois se trouvent plusieurs cinéastes qui s’ignorent, et ce, jusqu’au passage de l’équipe du Wapikoni.

Escale à Kitcisakik nous fait voir ce processus d’apprentissage mutuel. La caméra est placée depuis la perspective des formateurs qui profitent de leur passage dans la communauté pour apprendre sur leur situation, sur les problématiques qui ont cours. Les accompagnateurs préconisent une approche participative active : plutôt que de s’attarder à enseigner les étapes de la production, on plonge les jeunes directement dedans en leur faisant confiance et en mettant l’accent sur le contenu et sur les histoires à raconter plutôt que sur la pédagogie.

Les jeunes cinéastes réalisent rapidement que le cinéma peut servir d’exutoire à leurs tourments et de porte-voix à leurs revendications. Pour Délia Gunn, ce sera pour honorer la mémoire d’un ami disparu dans le torrent du Dozois; pour Kevin Papatie, ce sera pour comparer le calme et l’équilibre de la nature à la psychose des villes; pour Évelyne, ce sera pour créer des liens avec une communauté autochtone brésilienne qu’elle a visitée plus tôt dans l’année. Les cinéastes nous parlent de l’omniprésence de la violence, des ravages causés par l’alcool, mais aussi de la priorité de l’enseignement autochtone et de leurs espoirs à l’égard des prochaines générations.

Les bénéfices constatés sont immenses, mais en plus de permettre un moyen d’expression privilégié aux gens issus des Premières Nations, le film nous fait réfléchir sur l’absolue nécessité de rapprochements entre Allochtones et Autochtones et sur le fait que ces relations sont plus faciles à créer qu’on pourrait le penser. Juste à observer les adieux que se font les formateurs et les cinéastes à la fin de leur périple, on voit les traces indélébiles et pacificatrices que le Wapikoni mobile laisse sur son passage.

Escale à Kitcisakik est disponible en visionnement gratuit sur onf.ca. \


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