Dans le cadre de la Journée nationale des Autochtones et de notre numéro spécial sur la culture autochtone, il nous fait plaisir de vous offrir un éditorial signé par Edith Cloutier, directrice générale du Centre d’amitié autochtone de Val-d’Or, et Carole Lévesque, professeure titulaire à l’Institut national de la recherche scientifique.

Plus que jamais, les Peuples autochtones participent à une nouvelle modernité qui est à l’œuvre à l’échelle du Canada et qui se manifeste dans toutes les sphères de la société. Cette modernité autochtone se caractérise particulièrement par l’émergence d’une génération de jeunes leaders qui empruntent de nouveaux sentiers à l’enseigne de la réappropriation culturelle, de l’affirmation des droits et de la réconciliation entre les peuples. Cette modernité autochtone se construit autour d’un leadership contemporain qui fait le choix délibéré et éclairé de composer avec les impacts de la colonisation sans pour autant faire abstraction de l’aliénation territoriale, identitaire, culturelle et politique commune à tous les Autochtones au pays. Elle vise l’émancipation du passé colonial et l’affranchissement de ses héritages d’oppression pour faire place à un projet de société autochtone renouvelé, inspiré à la fois par des valeurs communautaires transmises de générations en générations depuis des millénaires et par une vision du progrès solidement ancré dans les principes d’action de l’autonomie et de l’autodétermination.

Ces leaders s’imposent comme des acteurs incontournables de la modernité et des artisans d’un changement global. Ils façonnent les sociétés autochtones d’aujourd’hui et transforment leur rapport au mondeEn agissant comme des catalyseurs du changement, ils proposent une vision d’inclusion plutôt qu’un combat contre l’exclusion, un partage du territoire et des ressources plutôt qu’une lutte contre le développement. Cette nouvelle posture sociopolitique donne lieu à une reconfiguration des rapports entre Autochtones et non-Autochtones et incite à un désenclavement de notre histoire commune pour reconstruire le dialogue et le partage. Semblable attitude est à l’image de l’agentivité autochtone qui s’exprime par la capacité des Premiers Peuples à agir sur leur propre destin tout en engageant l’Autre dans leurs initiatives et desseins. La démarche d’agentivité, en plus de faire place à de nouvelles trajectoires sociale, économique, culturelle et politique pour les Autochtones, favorise la création de nouvelles alliances et contribue à multiplier les solidarités.

Au Québec, cette modernité autochtone se manifeste chez un nombre grandissant de jeunes autochtones qui s’affairent à réconcilier un passé marqué par la marginalisation avec une vision d’avenir fondée sur l’espoir et le rêve. L’univers de la technologie et des médias sociaux décloisonne la communauté et donne lieu à de nouvelles formes d’expression de l’identité. Ce décloisonnement virtuel crée une ouverture sur le monde et offre une plateforme identitaire renouvelée à la nouvelle génération désireuse de participer activement à la revitalisation de son univers et à la réédification de sa Nation. Ils sont de plus en plus nombreux à fréquenter les collèges et les universités, à se réapproprier la langue et les traditions et à militer pour la reconnaissance des droits des Peuples autochtones. Il n’est donc pas étonnant de voir ces jeunes prendre la parole, investir l’espace public et revendiquer leur spécificité au sein de la société majoritaire. Cette nouvelle génération de leaders constituera la force motrice des sociétés autochtones de demain. 

La société québécoise doit faire l’effort de comprendre le contexte dans lequel évoluent et agissent ses concitoyens autochtones; elle doit prendre la mesure de cette nouvelle modernité, malgré la complexité des questions, des défis et enjeux qui se posent chaque jour pour la population autochtone, qu’elle réside dans les villes ou dans des réserves. Le rapprochement entre les peuples passe nécessairement par une meilleure connaissance de l’histoire et des politiques coloniales qui, pendant des générations, ont eu comme principal objectif « l’effacement » du fait autochtone à travers le pays, au Québec et en Abitibi-Témiscamingue.

Il importe de reconnaître qu’une modernité autochtone est en émergence et que ses paramètres tracent les contours d’une relation que l’on souhaite équitable et mutuellement enrichissante.  Pour y arriver, la société québécoise doit dénouer le nœud serré des préjugés à l’égard des Autochtones et reconnaître que le racisme a largement contribué (et contribue encore) à accentuer l’écart entre le bien-être des Autochtones et celui des Allochtones au Canada. Comme citoyens, citoyennes, nous avons le devoir de nous renseigner sur notre histoire – et elle n’est pas toujours très reluisante – parce que tant que nous nous cantonnerons dans le déni, la réconciliation ne pourra pas se produire. \