Le duo rouynorandien Geneviève et Matthieu lançait le 23 octobre dernier son quatrième album intitulé La Jamésie ostie, un projet qui les a conduits en pleine Jamésie l’année dernière.
L’ensemble du projet s’inscrit dans une posture éminemment critique qui, au fil du récit, construit un nouvel horizon politique. L’écoute des dix pièces prend les allures d’une écoute de film de Godard. Privé de la puissante présence de deux comparses sur scène et de l’ensemble de leurs objets scéniques rocambolesques, l’auditeur est transporté dans une machine à image mentale. La poésie est nourrie par le dialogue du synthétiseur, de la guitare, des voix multiples et manipulées qui, lointaines, proches, évoquent des narrations de cadavres exquis.
Mais une trame profonde, comme venue d’un inconscient millénaire, tisse une pensée critique où la Jamésie incarne le constat d’un appétit dévorant des richesses naturelles : Dépoussiérée par la société d’État / La Jamésie est un risque. Voici sans doute la plainte la plus formelle du gaspillage de la vie végétale, animale et humaine, formulée dans Vivre avec les animaux.
Comme dans les récits de Godard, c’est la réalité qui fournit les matériaux les plus incongrus, déconcertants et jouissifs. La stratégie narrative évite la récupération politique du discours et porte l’autre à se saisir, par sa créativité, de son destin. La rythmique de la pièce Idle no more est calquée sur les chants autochtones et le texte est l’évocation de leur lutte récente.
Par sa liberté débridée, le duo Geneviève et Matthieu a inscrit dans sa propre logique le dialogue fou de La Jamésie ostie. L’album, dont les pochettes sont peintes à la main, n’en est qu’une manifestation, puisqu’une exposition et un spectacle performatif découlent de ce cycle jamésien inspiré.