L’Écart.. . lieu d’art actuel proposait jusqu’au 30 novembre dernier un « grand écart ». En effet, le centre d’artistes présentait dans toutes ses salles la production la plus récente de l’artiste de Rouyn-Noranda Gaétane Godbout. Sous le titre S’imprégner, l’artiste y poursuit sa réflexion sur la peinture.
L’idée d’inviter précisément Gaétane Godbout prenait tout son sens à l’occasion du 25e anniversaire du centre d’artistes. En effet, celle-ci fait partie des membres fondateurs du Centre des artistes en arts visuels de l’Abitibi-Témiscamingue (organisme qui gère L’Écart) depuis 1989 et a toujours été très impliquée dans la gestion de la galerie.
Gaétane Godbout fait partie de la lignée des bâtisseurs. De son propre aveu, elle a toujours voulu être artiste et pour être artiste, selon elle, la mise en commun était nécessaire. D’où l’envie de créer un regroupement, de faire en sorte que les artistes puissent se rencontrer, échanger et surtout exposer. D’où la création du centre et sa participation active à son développement. Membre du conseil d’administration du centre depuis sa création (avec quelques années d’intermède), Gaétane Godbout en a souvent été la présidente. Son meilleur coup? L’achat de l’immeuble qui abrite le centre, projet à long terme qui s’est avéré un élément de développement important pour la mission artistique de L’Écart. Maintenant propriétaire, le centre d’artistes l’Écart est totalement libre de ses choix et peut offrir des espaces d’atelier aux artistes locaux, permettant ultimement de réaliser le souhait de Gaétane, que les artistes se rencontrent et puissent échanger.
Il n’est d’ailleurs pas étonnant que la production artistique de Gaétane soit en résonnance avec son implication sociale. Elle fait partie de cette terre abitibienne, la ressent intimement, comme elle s’inscrit profondément dans le tissu social de la région par son travail à L’Écart mais également comme enseignante en arts plastiques au cégep. Elle parle beaucoup d’espace physique et d’espace virtuel; pour elle, le réel de la toile s’allie au réel mental et cherche dans sa peinture à exprimer ce lieu de rencontre indicible.
C’est sans doute la raison pour laquelle, après avoir cherché à abandonner l’encaustique (son médium depuis plusieurs années) dont la lourdeur d’utilisation lui pesait, elle a été obligée de le revisiter. L’encaustique (de la cire d’abeille fondue et mélangée à du pigment coloré) permet des transparences impossibles à rendre à l’acrylique et donne de la profondeur à la matière. Pour l’artiste, l’encaustique permet d’explorer tout ce qui lui tient à cœur : le dessin, la peinture, la sculpture (l’encaustique crée une pâte qui permet de graver, de gratter, bref, de sculpter la matière picturale).
S’imprégner est une exploration du territoire sous toutes ses formes. Le territoire naturel, corporel, virtuel, conceptuel. Ces nombreuses couches de territoire se superposent dans une série de toiles extrêmement cohérentes et pertinentes, toutes autant de lieux autonomes qui parlent de l’espace dans lequel on vit mais aussi de l’espace intime, personnel, sans lequel le territoire ne peut être appréhendé. « Il faut un lieu d’ancrage afin d’exister », a dit l’artiste elle-même. C’était vrai pour L’Écart; ce l’est également dans sa peinture.