On m’a souvent demandé quand j’allais enfin faire un « vrai film », c’est-à-dire avec des comédiens, un scénario et avec beaucoup d’argent! Ça me vexait un peu car pour moi, le documentaire est du « vrai cinéma », parfois même plus vrai que le vrai! Mais si je ne m’étais encore jamais adonné au cinéma de fiction, c’est surtout parce que je n’avais rien de valable à raconter et rien qui ne puisse résonner au-delà de ma propre personne.

C’est avant même que Voir Ali ne soit lancé que j’eus le flash qui allait me mener jusqu’à Coney Island. L’idée en question resta sur la glace quelque temps, car après Voir Ali, j’ai travaillé plus d’un an sur un projet de documentaire qui ne verra jamais le jour. Mais j’ai continué d’accumuler les notes sur cette idée. Ce qui n’était qu’un simple flash tenait la route, se bonifiant même avec le temps. Donc, sans bourse ni producteur, j’entreprends l’écriture du scénario de Coney Island durant l’hiver 2013. Ce projet m’a amené à Brooklyn où j’ai eu la chance de me consacrer à l’écriture pendant deux mois. C’est là que Coney Island a véritablement pris forme.

Il n’y a pas de recette infaillible pour créer un scénario. C’est par instinct, et avec une certaine naïveté, que j’ai construit une suite des scènes cohérente en respectant une chronologie reliée par les saisons. J’y ai intégré un maximum de détails concernant l’espace, les références visuelles, les actions et le contenu sans écrire une seule ligne de dialogue. J’ai passé beaucoup plus de temps sur le début et la conclusion du récit que sur son développement. Il me semble plus facile d’écrire lorsque l’on connaît la destination finale, aussi ouverte soit elle. La fin du film n’a d’ailleurs pratiquement pas changé à ce jour. Parallèlement à l’écriture du scène-à-scène, je brodais une vie à mes personnages en les caractérisant notamment par leur nom, leur physique, leur emploi ou leurs motivations pour leur offrir une existence propre. Pour donner chair aux personnages, j’ai écrit en pensant à des comédiens, ce qui fut très aidant, même si certains ne le sauront jamais.

Écrire m’a fait passer de la grâce à la confusion dans des intervalles très restreints. Par moment, j’avais l’impression d’être au milieu d’une montagne sans savoir où je me situais par rapport au sommet. Je fis appel à des proches pour me donner un point de vue constructif, et sans complaisance, sur ce que devenait le scénario. C’est ainsi que le cinéaste Benoît Pilon entra dans le projet pour devenir mon conseiller-scénariste. Il fut très critique sur la trame narrative et me renvoya faire mes devoirs pour la rédaction du synopsis qui se trouve à être un long résumé du scénario sur une dizaine de page. C’est ce document qui a le pouvoir d’attirer ou de repousser les producteurs pour un projet de film et c’est ce même document que j’ai soumis aux institutions.

Le 18 septembre 2013, j’ai obtenu une bourse de la SODEC m’aidant à écrire le scénario de Coney Island…mon premier vrai film !

Note de la rédaction : Les lecteurs de l’Indice bohémien auront l’occasion de suivre Martin Guérin dans l’avancement de son projet de film puisqu’il signera à l’occasion cette chronique « Le gars des vues ». 


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