L’été 2014 a marqué le retour sur scène de l’enfant prodige de Pikogan, qui ouvrait les fêtes du 100e d’Amos comme le festival Présence autochtone à Montréal en juillet dernier. Après trois ans d’écriture et une pause professionnelle bien méritée, Samian revient en force avec Enfant de la terre, paru aux Disques 7ième Ciel. Un album mûri à point, généreux, à la fois personnel et engagé. L’Indice bohémien l’a rencontré lors de son passage à Amos.
Partout, l’accueil est plus que chaleureux. De toutes les couleurs et de tous les âges, son public était au rendez-vous. Samian était attendu. Plus solide et serein peut-être mais toujours aussi vibrant de ses convictions, l’artiste a encore quelque chose à dire.
Alors que la ville d’Amos fête son centenaire, la communauté de Pikogan a 50 ans. Est-ce qu’on doit fêter ça, l’anniversaire de la fondation d’une réserve? « Ce n’est pas une belle date d’anniversaire, les 50 ans de Pikogan. Tu ne fêtes pas ça, l’inauguration d’une réserve, au contraire. C’est d’ailleurs un peu paradoxal de participer aux fêtes du 100e d’Amos en ouvrant le show avec REZ, qui dénonce les réserves. Quand Amos est née, y’a beaucoup d’Algonquins qui se sont fait tasser, faut pas oublier ça. »
Même si son dernier album est tout en français, le jeune rappeur algonquin ne faiblit en rien sur ses convictions sociales et politiques et dénonce le sort qui est celui de la plupart des communautés autochtones au pays. « Je suis allé à New York au printemps, à l’ONU, pour l’instance permanente des droits autochtones, et il y avait 1500 représentants des communautés autochtones à travers le monde. Là, j’ai réalisé qu’à certains endroits, c’était pire qu’ici, alors qu’ailleurs, comme en Nouvelle-Zélande, ça va bien; les autochtones sont au Parlement, dans le gouvernement, ce qui fait que les mentalités blanches et autochtones s’en vont un peu plus dans la même direction. Je pense que c’est un exemple à suivre pour le Québec et le Canada. Il faut s’investir, se connecter socialement, sinon dans 100 ans, on va encore fêter Amos d’un bord et Pikogan de l’autre », exprime Samian.
Côté musique, la collaboration complice que Samian entretient avec DJ Horg se poursuit sur Enfant de la terre. Réalisateur, DJ, c’est aussi celui qui dirige tout le monde sur la scène. « Si on voit mon nom, faut que le nom de DJ Horg soit là. Il est avec moi depuis le début et il a fait un travail colossal sur le dernier album. C’est le gars qui est capable d’aller chercher le meilleur de moi-même. Sur cet album, y’a des concepts de chansons qu’on a fait ensemble. Entre les premières idées et le produit final, y’a beaucoup de lui là-dedans », confie Samian, qui fait une grande place sur scène à ses acolytes musiciens et à des invités spéciaux, notamment Anodajay, avec qui il interprète Les mots.
La particularité de cet album est d’ailleurs qu’il a été enregistré en studio avec de vrais musiciens plutôt que des échantillonnages. L’album qui en résulte est plus riche, plus audacieux dans ses sonorités que les précédents. « Avec un 3e album, t’as le défi de te renouveler. On a plein de nouveau : 13 chansons, 13 styles différents mais pleinement assumés. C’est comme une palette de couleurs qu’on a explorées. Dans les textes aussi, tout a évolué », affirme l’artiste satisfait de ce qu’il proposera le soir même au public pour la première fois.
Sur la scène, Samian assure. Simple et efficace, il est là parce qu’il a quelque chose à dire. « Faire un show, c’est comme faire l’amour. Il faut qu’il y ait de la chimie entre les deux, il faut donner ce qu’on a dans le ventre. Quand la chimie s’installe, on passe les plus belles soirées! » Qu’il soit politique, personnel ou spirituel, son message vient du fond du cœur et c’est sans doute ce qui explique que son public soit si varié. Si on peut penser que celui d’Amos est conquis d’avance, on découvre avec surprise qu’à Montréal, sur la place des spectacles, la foule scande son nom avec autant d’affection et d’enthousiasme. Et quand il lance bien fort « Y’as-tu des Indiens ici? », la vague de fierté qui déferle jusqu’à la scène est palpable.
C’est en 2004 avec la Wapikoni mobile que Samian a fait ses premiers pas. André Dudemaine, le fondateur du festival Présence autochtone, l’avait alors mis en contact avec Loco Locass et ensuite, tout s’est enclenché. Mais en 2004, que faisait Samian? « Il y a dix ans, je faisais de la pizza à Pizzeria Amos et je me faisais chier. Je rêvais de tout ça, je sentais que c’était possible et un jour, c’est comme si les astres se sont enlignés. J’ai fait beaucoup d’efforts, j’y ai cru. Ça fait que cette année, je fête mes dix ans de carrière. »
Si on en croit le souffle qui l’anime actuellement, Samian a encore une belle route devant lui, entre les projets de cinéma et la tournée d’Enfant de la terre qui s’amorcera en 2015. On a hâte de le revoir dans la région.