La genèse de cette fable remonte à plus de 12 ans, dans une contrée lointaine du nord-ouest du Québec, nommée Rouyn-Noranda. La fable met en scène quatre petits rats inspirés par le cinéma underground montréalais, où ils sont invités à créer des films Kino (courts métrages à très petit budget). « Pourquoi ne pas faire la même chose ici ? », s’écrie le premier, nommé Jason Paré. « Quelle bonne idée, mais ça nous prend des acolytes ! » s’écrie le deuxième, nommé Carol Courchesne. « Nous, nous ! » s’écrient simultanément Martin Noël et Michaël Chartier. Ainsi naissent Les Racamés. Pendant deux ans, le collectif organise des soirées de projections cinématographiques et alimente la création en Abitibi-Témiscamingue.

Fort de plusieurs soirées créatives et trépidantes, de rencontres fortuites et d’autres petits rats tels que Simon Laquerre, le concept du festivalprend vie, portant la volonté de mener plus loin le regroupement. Cependant, tous un peu bohèmes, les petits rats empruntent des tunnels différents. Qu’à cela ne tienne, Carol s’entiche de deux petites rates fraîchement revenues en région, Émilie Villeneuve et Ariane Gélinas. Le trio, ambitieux et visionnaire travaille d’arrache-pied pour créer le premier Festival du DocuMenteur, communément appelé FODOC, au concept unique honorant le faux documentaire.

Au cœur de ce festival inusité se trouve un concours de création auquel les rats forcent leurs amis à participer. Pendant que les équipes sont au travail, une programmation de documenteurs triés sur le volet prend l’affiche tous les soirs, suivie de spectacles de fin de soirée. Le tout est fait avec très peu de publicité, des affichettes sont posées la semaine précédant l’événement. À la soirée de clôture qui a lieu à la presqu’île du lac Osisko, on projette pour la première fois les cinq films créés en 72 heures dans chacune des MRC de l’Abitibi-Témiscamingue. Au rendez-vous : des aurores boréales et un total de 350 spectateurs. « C’est un succès ! » s’écrient nos trois petits rats. « On n’a pas le choix de continuer », s’exclament-ils à l’unisson.

 

Trois p’tits rats, trois p’tits rats, trois p’tits rats, rats, rats. Chapeau d’paille, chapeau d’paille, chapeau d’paille, paille, paille, paillasson …

La deuxième année, le trio se rend au festival Regard sur le court métrage de Chicoutimi pour faire de la pub et recruter des équipes de création. « On a mis des tracts et c’est ainsi que, dans un ascenseur là-bas, Patrick Masbourian a vu l’appel d’équipe et qu’il s’est inscrit », raconte Carol. « Cette année-là, les Phylactère Cola se sont aussi inscrits au volet création. C’est entre autres grâce à l’Espace court qu’on s’est fait connaître. Les réalisateurs y venaient et revenaient ensuite l’été au Fodoc », explique Ariane.

Apprenant de leurs succès et de leurs erreurs, nos petits rats ont continué à s’investir et à mettre toute leur énergie pour reproduire la magie, année après année. « Nous sommes allés en Belgique assister à un autre festival, ça nous a réconfortés. On a vu qu’on avait ça dans nos gênes de recevoir. C’est régional. On faisait les choses intuitivement, mais on y a appris beaucoup », se remémore Émilie.

Suivant les conseils de Jean-Marc E. Roy, réalisateur invité au volet création à plusieurs reprises, Les Racamésdécident d’allonger le festival pour sa cinquième année. « En débutant les festivités un jour avant, on permet aux réalisateurs d’y participer un peu et d’être moins brûlés au moment de présenter leur film », explique Carol. Une place est aussi faite à la relève, avec un volet de création hors-concours. « Lawrence Côté-Collins a été une autre de nos ambassadrices, elle faisait des documenteurs pour venir au festival été après été. Aujourd’hui, elle réalise son premier long métrage en Abitibi, qui est aussi un fodoc », raconte Ariane.

Dans le cadre de l’évènement AT@MTL, l’organisation amène cinq équipes réaliser un documenteur à Montréal, permettant enfin à deux des fondateurs de participer au volet création. « Le plus frustrant, c’est de créer des conditions de création favorables et de ne pas pouvoir en profiter. Là, on s’est gâtés. Je suis avant tout une fille de création », confie Émilie.

Nostalgique, Émilie raconte : « Chaque année, ça m’a toujours fait le même sentiment. Pendant les projections, à la presqu’île, j’allais en bas, je me cachais derrière l’écran et je regardais le monde. Chaque fois c’est magique, parce que souvent quand tu es rendu là, tu es brulé pis tu te demandes pourquoi tu fais ça. Tu tiens ces évènements à bout de bras, bénévolement, et ça, c’était notre paye, la plus belle. »

Nos trois petits rats vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfant.

 

Unique au monde, le festival laisse sa trace et influence d’autres créateurs. Aux Îles-de-la-Madeleine, on s’inspire du concept créatif, mais en attribuant une île à chaque équipe. Après avoir participé au volet création, un Italien et sa copine importent le concept dans leur pays. Ainsi, en 2010, le premier bébé du festival voit le jour, le Piemonte Documenteur Filmfest. Émilie nous dit qu’« au pied des Alpes, le festival est tout aussi magique qu’à la presqu’île. […] Pour le concours de création et les réactions, c’était pareil comme en Abitibi : la fierté et les équipes brûlées. »  

L’an dernier, Émilie et Ariane ont décidé de passer le flambeau. « On a tripé, mais c’est extrêmement prenant. On faisait tout, en plus de nos emplois réguliers. On engageait une ressource pour la coordination, mais il restait beaucoup à faire », exprime Émilie. Pendant neuf ans, nos trois petits rats constituaient le C.A. et la coordination. Émilie est une fille d’idées ; Ariane, de logistique et Carol, le gars de la programmation. Aujourd’hui, ils veulent léguer et transmettre l’esprit à la relève pour que le Festival vive de lui-même et qu’il « soit influencé par des jeunes aussi tripeux que nous quand nous avons commencé », ajoute Émilie. Carol s’occupe toujours de la programmation, et Émilie conseille la nouvelle équipe dans la rocambolesque mise en œuvre de la dixième édition, où les lutteurs sont à l’honneur.

FIN

Ne vous inquiétez pas, c’est seulement la fin d’un chapitre, et non du collectif. Les Racamés est actif plus que jamais et d’autres petits rats alimentent le tout. Ils ont préparé un autre festival inoubliable et croyez-moi, ce n’est pas un poisson d’avril !