Les Vues d’ici sont les courts-métrages produits par le Festival de cinéma des gens d’ici, réalisés par des créateurs issus de l’Abitibi-Témiscamingue. La vocation du festival est de mettre à la disposition des «gens d’ici» un écran et un projecteur en guise de porte-voix, pour qu’on puisse s’entendre parler et se voir à l’écran. Deux films se sont démarqués cette année, par leur propos et leur proposition formelle audacieux.
Émilie Villeneuve, productrice déléguée chez Productions Balbuzard, nous présentait avec le film Petit Simon l’histoire d’un employé de brasserie qui, après son licenciement, retrouve la mère en lui. Laissé à lui-même, le personnage dérobe les vêtements de sa mère et adopte une poupée. Ce sera sa façon à lui de requérir l’amour maternel dont il se voit dépourvu. On voit Carol Courchesne, figure connue des cinéphiles de Rouyn-Noranda, incarner un homme au bord du gouffre avec une justesse bouleversante, dans une mise en scène très sobre à la frères Dardenne, soit un plan par scène, le plus souvent sans mouvement. Le film se fait fable sur les traces qu’on laisse durablement dans la tête et le cœur des enfants.
L’acteur Alexandre Castonguay, quant à lui, nous livrait les confidences de son fils Arthur dans Les Espions Tatas, un court-métrage au format éclaté. La base de ce court documentaire a été établie par six heures de conversations père-fils captées sur enregistreuse, une approche rigoureuse qui porte ses fruits à l’écran. Le film aborde l’univers ludique de l’enfant et de ses deux amis qui ont une entreprise d’espionnage. La description de leurs activités est le prétexte pour entrer dans leur monde, par la porte d’à côté. La conversation glisse tranquillement vers quelque chose de plus sérieux et terre-à-terre, la séparation de ses parents. «Est-ce que ta mère et moi on est encore des amoureux ?», demande Alex. «Non, mais vous vous aimez encore», répondra tout naturellement Arthur. À travers les questions du père, son intention se dévoile: sonder l’imaginaire de son fils pour examiner les conséquences de la rupture, et le résultat est extrêmement touchant.
On souhaite une bonne et longue vie en festival à ces deux courts-métrages, parce qu’ils comportent ce qui devrait être la fonction du cinéma, le don de nous faire sentir plus humains.