La langue est le fondement même d’un peuple, ce par quoi il se reconnaît et il est reconnu, qui s’enracine dans son être et lui permet d’exprimer son identité. – Camille Laurin

Le mois de mars est toujours l’occasion de célébrer la joie de vivre en français au Canada à travers les Rendez-vous de la Francophonie. Mais quel est l’état de cette langue française?
Au moins 220 millions de personnes dans le monde se définissent comme francophones. Alors que leur nombre augmente en Afrique (il devrait atteindre plus d’un demi-milliard en 2050), il diminue progressivement au Canada, tout comme le nombre de personnes dont la langue maternelle est l’anglais d’ailleurs, au profil d’autres langues comme le mandarin. Il demeure que, bon an mal an, la langue maternelle du cinquième de la population canadienne est le français.

 

Alors pourquoi est-on si inquiet?


On vote des lois pour défendre le français au Québec.
On se vexe d’entendre du joual à la télévision.
On s’insurge contre les changements de la nouvelle grammaire où l’on parle de prédicat et de déterminants.
On refuse la nouvelle orthographe, arguant qu’on nivelle vers le bas.
On se désole de la piètre qualité littéraire des médias sociaux.
On rectifie les erreurs des enfants, et même des adultes.
On s’inquiète de la dominance de l’anglais sur le Web.
On s’excuse d’écrire mal, de parler mal.
On accuse les médias, le système d’éducation, les nouvelles technologies, et, surtout, le manque d’effort des jeunes.
On refuse les changements; la langue ne peut subir une réforme, si minime soit-elle!
On se compare avec les Français dont la langue serait bien plus parfaite.
On se console, en se disant que ces cousins utilisent plus de mots anglais.
On répète aux enfants que le français est une langue difficile, avec ses exceptions, ses problèmes de prononciation, son féminin et son masculin, ses mots composés, ses temps verbaux…

 

Évidemment, apprendre une langue, quelle qu’elle soit, exige des efforts, que ce soit dans la subtilité de sa prononciation (vietnamien, birman), dans ses formes verbales infinies (hongrois), dans son orthographe (angstskrig en danois), dans l’étendue de son vocabulaire (russe), dans l’irrégularité de sa grammaire (géorgien), dans le nombre de caractères écrits (plusieurs langues asiatiques).

 

Lorsque les jeunes expliquent ce qu’est pour eux le français, ils ne parlent que de règles grammaticales, d’orthographe, de syntaxe. Bref, d’un idéal inaccessible. N’est-ce pas là une erreur en soi? Ne leur apprend-on pas sa richesse, son intérêt?

 

On oublie que la langue est belle, qu’elle permet de se faire comprendre, de se faire entendre, dans toutes les nuances d’émotions possibles.

 

On omet de dire que le français est vivant, et non statique comme un cadre sur le mur. La langue est en constante évolution grâce aux nouvelles technologies, entre autres, et aux néologismes dont le Québec est friand.


On insiste sur les exceptions, plutôt que sur les règles qui sont, ma foi, plutôt logiques. On ne mentionne pas l’extraordinaire histoire de son évolution et de sa pérennité.


Certes, la langue française est complexe, mais d’abord merveilleuse et surprenante. Elle mérite d’être défendue, bien sûr, d’être bien apprise, mais surtout d’être aimée et appréciée, dans ses plus infimes subtilités. Il est du devoir des parents et des enseignants de faire découvrir toutes les beautés de la langue française, et ce, qu’elle soit parlée, chantée, slamée, écrite, etc. L’avenir de notre culture francophone réside dans l’amour que les futures générations porteront au français et qu’ils défendront bec et ongle.

 

 

C’est une langue belle à qui sait la défendre
Elle offre des trésors de richesse infinie
Les mots qui nous manquaient pour pouvoir nous comprendre
Et la force qu’il faut pour vivre en harmonie

 

Quelques trucs pour découvrir et aimer la langue française…
en étant toujours curieux du monde qui nous entoure, du nom précis de chaque chose;
en s’amusant avec les mots par des jeux divers (Scrabble, Boggle, Mots Mêlés, Anagram Plus…);
en lisant une variété de textes, autant des documentaires que des essais ou de la poésie, même des ouvrages sur la langue (ceux d’Henriette Walter sont particulièrement intéressants);
en écoutant des chansons… francophones, bien sûr!
en s’intéressant à l’histoire des mots (pour les enfants, Schlick de François Gravel);
en parcourant les pages roses d’un certain dictionnaire pour connaître de nouvelles expressions et citations.

C’est une langue belle avec des mots superbes
Qui porte son histoire à travers ses accents
(Yves Duteil, La langue de chez nous)