Je n’ai pas encore le goût de vous parler de la Commission Charbonneau. Ni de la fin du monde dans moins de deux mois. Vous me permettrez donc de reparler de cette fin de soirée électorale qui fut assombrie par ce tireur qui tua cet homme qui s’est présenté devant lui. Terrible histoire, qui semble faire moins de remous que d’autres, genre Dawson. Et pourtant. Le carnage aurait pu être plus grand encore, la Providence a sauvé bien des péquistes. C’est la moindre des choses après deux défaites du Oui.


On pourrait conclure simplement qu’un fou est un fou, seul dans son délire. Certes. Mais ne jouons pas à l’autruche non plus. Comme Aristote, je crois que tout homme est un animal social. Il se construit avec les autres, avec ce qu’il entend, lit ou voit.

 

Le climat social au Québec est tendu. La dernière élection le montre. À l’heure des médias sociaux, à l’heure de l’anonymat d’Internet qui permet toutes les dérives, la haine se cultive facilement. Haine des souverainistes, des assistés sociaux, des étudiants, des étrangers. Je parlais dans le journal de juin dernier des «gros mots» comme «étudiants terroristes» ou «Charest dictateur». On est aujourd’hui dans les cas extrêmes.


Voici des propos, sur la ministre Marois, lus sur parkavenuegazette.com, un site anglophone qui prône l’abolition de la Loi 101. Je traduis : «Elle devrait être soumise à la peine de mort». Ou encore cet échange sur Facebook, suite à l’attentat du 4 septembre : «Les gens qui soutiennent Marois sont des putains de stupides. Ceux qui soutiennent cette salope le regretteront un jour». Et un ami de lui répondre : «Je vais m’acheter un AK-47». La haine verbale engendre l’action haineuse un jour ou l’autre. Oui, les tireurs fous qui tuent pour des motifs politiques sont sensibles aux messages simplistes et extrémistes.


Il faut aussi, comme citoyen, faire un certain examen de conscience. Nous avons les politiciens, la politique et les médias que nous méritons. Nous ne voulons pas autre chose. Tant et aussi longtemps que nous comparerons une campagne électorale à une bataille, le débat des chefs à un combat de boxe, en attendant impatiemment le K.O., la haine courra sous les cendres. Tant et aussi longtemps qu’on jugera un politicien sur son allure et ses poses, on attisera cette haine. Tant et aussi longtemps que nous accepterons et consommerons l’information-spectacle faite de reportages de deux minutes, de commentateurs-preachers, d’analyses rapides, d’amalgames douteux, de raccourcis intellectuels avalés comme des faits, nous pourrons, ultimement, tomber dans la haine.

Parce que la haine naît de l’incompréhension. Et comprendre demande de la volonté d’abord, puis du temps, un effort, des lectures, un peu de recherche, des discussions qui portent sur autre chose que la météo ou les gagnants d’Occupation Double. C’est ainsi qu’on pourra être des citoyens dans le sens noble du terme.


Mais les téléphones intelligents ne peuvent le faire à notre place. Dommage, diront certains…


Auteur/trice

Abitibien d’adoption, Valdorien depuis 20 ans, Dominic Ruel est enseignant en histoire et géographie au secondaire. Il contribue à L’Indice bohémien par ses chroniques depuis les tout débuts, en 2009. Il a été président du CA de 2015 à 2017. Il a milité en politique, fait un peu de radio, s’est impliqué sur le Conseil de son quartier et a siégé sur le CA du FRIMAT. Il aime la lecture et rêve d’écrire un roman ou un essai un jour. Il est surtout père de trois enfants.