Notre reporter, Nicole Séguin, a rencontré Jocelyne Saucier peu après la première de la mise en lecture grand public de son roman Il pleuvait des oiseaux. Réconfortée par l’accueil chaleureux que la communauté de Cléricy lui a réservé, elle nous parle des événements ayant marqués le parcours de son roman.
Nicole Séguin : Comment expliquez-vous que de si jeunes comédiens donnent vie aux personnages de votre roman?
Jocelyne Saucier : Je suis surprise. Mais j’ai compris leur intérêt. Dans mon roman, ils trouvent la liberté, l’indépendance, le pied de nez au système. Puis, l’amour entre les personnes âgées, l’amour physique j’entends, les surprend. Les relations intimes, on les associe tellement à la beauté des corps, à l’activité sexuelle parfois même violente, que les jeunes réagissent à la douceur, à la tendresse auxquelles la société ne les a pas nécessairement habitués. Les comédiens ont livré l’essence de mes personnages, sans ambiguïté.
NS : Le succès de votre oeuvre dépasse les frontières de l’Abitibi-Témiscamingue. Vous en êtes étonnée?
JS : Écoutez! Des histoires de petits vieux dans le bois, ce n’est pas dans l’air du temps! Quand j’ai vu les demandes d’entrevues, j’ai réalisé qu’il se passait quelque chose. Je me suis dit, le train passe, j’embarque! J’étais prête mais tellement étonnée. Je le suis encore.
NS : Avez-vous eu des réactions d’aînés?
JS : Beaucoup. Des hommes particulièrement. De savoir que la jouissance du corps est encore là les réconforte. Puis, ils sont surpris du regard d’une femme sur la sexualité des aînés. Souvent on s’éloigne de la personne pour n’en retenir que les éléments
caricaturaux, les petites misères, les deuils, la main qui tremble.
NS : Et les femmes?
JS : Elles auraient bien aimé avoir la main de Charlie sur elles!….
NS : Aviez-vous pressenti le film qui se prépare?
JS : Je n’avais jamais projeté mon roman dans un film. J’ai reçu trois offres, trois mois après sa sortie. Finalement, des maisons se sont regroupées et travaillent de concert. J’ai signé une option pour la cessation des droits d’auteurs et les équipes de production sont à la recherche du financement. Il pourrait se passer un bon trois ans avant que le film soit sur nos écrans.
NS : Quelle sera votre implication dans l’adaptation du roman pour le grand écran?
JS : Aucune. C’est une autre création. Moi, ce que j’aime, c’est l’écriture. Le travail des mots et de l’imaginaire, ça va ensemble. Je ne vois vraiment pas comment je pourrais en sortir.
NS : Est-ce que la distanciation peut être difficile?
JS : Non, pas du tout. Comme le disait Gabrielle Roy : « J’aime mieux travailler dans du neuf que de rapiécer du vieux! »
NS : Quand vous vous faites votre cinéma, quelles images de votre roman sont les plus percutantes?
JS : Celles des Grands Feux m’ont le plus impressionnée. Certaines sont réelles comme celle des trois hommes dans une mare d’eau avec un orignal, et un oiseau perché sur l’épaule de l’un d’eux. D’autres aussi que j’ai inventées, comme celle de la vache pleureuse. L’image de Marie-Desneige et Charlie qui regardent passer les autos de leur galerie m’interpelle beaucoup.
NS : De retour dans vos terres, que vous reste-t-il de cette campagne médiatique?
JS : L’étonnement de tout ce que le livre m’a apporté. Jamais je n’aurais même rêvé de tout ça, moi qui vis si bien dans le fond de mon rang à Cléricy!
NS : Depuis la sortie du livre, quels ont été les moments qui ont comblé l’auteure et la femme?
JS : Je suis particulièrement touchée par le chemin que mon roman s’est fait dans le cœur des gens. Les témoignages positifs de la part d’auteurs pour qui j’ai beaucoup d’estime et de ceux de lecteurs qui me disent que le livre les a aidés, me font du bien.
NS : Maintenant que la poussière retombe, trouvez-vous suffisamment d’espace pour la création?
JS : Il faut que j’aie l’esprit libre pour écrire. Je refuse donc de plus en plus de propositions. Je suis contente de revenir à ma vie pour me replonger dans l’écriture.
NS : Qu’avez-vous en chantier?
JS : À mi-roman, un autre livre s’est profilé. Il m’attend depuis deux ans et demi. Je n’élaborerai pas plus. Pour moi, un roman en gestation est trop fragile, j’aurais peur qu’il m’échappe, peur qu’après en avoir parlé, je n’y crois plus.
NS : Une suite pour Il pleuvait des oiseaux?
JS : Non, pas du tout parce que d’un roman à l’autre, je rentre toujours dans un univers dans lequel je ne suis jamais allée.
Jocelyne est repartie comme elle est arrivée, souriante, vers Cléricy, cet univers connu qu’elle aime tant pour y poursuivre son long processus de création…