Des tentes alignées et collées les unes sur les autres, de la musique, des conversations sur fond de changements mondiaux, un esprit d’entraide et de partage et surtout, l’impression profonde de vivre quelque chose de plus grand que soi : on se croirait à Woodstock en 1969. Pourtant, l’esprit n’estpas à la fête. Au contraire, les gens en ontmarre, ils sont (nous sommes) 99 % d’indignés qui veulent que les choseschangent. Bienvenue à Occupons la planète!

Occupy Wall Street a engendré Occupy Melbourne, Los Angeles, Londres, Berlin, Montréal, Québec… Le mouvement est devenu planétaire, se répandant dans plus de 80 pays en moins d’un mois. À la base de cette initiative: le blogue vancouverois du magazine Adbuster qui, à la mi-septembre, lançait un appel à la mobilisation pour contrer les inégalités salariales. N’en pouvant plus de voir le 1 % des plus fortunés vivre à leurs dépends, les 99 % (du moins, certains d’entre eux) ont répondu « Présents! » et le scandent encore aujourd’hui. Ils en ont contre cette inéquité qui fait que les plus riches détiennent plus que leur part au détriment des plus pauvres: au Canada, la dernière fois qu’une telle inégalité économique a sévi, c’était au milieu des années 1920. C’est comme si on vivait un retour aux années folles, l’insouciance en moins.

Nouveau modèle révolutionnaire?

Chaque génération a sa soif de révolution, son groupe d’idéalistes qui veut changer le monde. Mais ce qui est beau de celle-ci, c’est que ce n’est justement pas la revendication d’une seule génération. Beaucoup de jeunes, certes, ont occupé les villes, mais des gens de tous âges aussi. L’indignation collective semble cette fois ancrée profondément dans les valeurs des gens.

Comment se fait-il que la colère n’est pas plus répandue? Plusieurs diront qu’ils n’ont pas le temps de manifester, qu’ils ont une famille, un travail. Tout de même, ceux-là ont fait, parfois, preuve de générosité en offrant des denrées alimentaires, de l’argent ou du matériel en guise de remerciement à ceux qui occupent la ville. Des gestes de solidarité qui donnent espoir. C’est beau, mais pas assez! Ce qui se passe en ce moment est une véritable conversation publique à laquelle tous devraient participer, puisque personne, ou presque, n’est gagnant dans le gâchis social actuel.

On ne parle pas de communisme ici, où tout un chacun est économiquement l’égal de l’autre, mais plutôt d’une répartition plus juste. L’idée n’est pas que tous aient une part égale du gâteau, mais d’empêcher les plus nantis de revenir se servir une deuxième fois dans l’assiette des autres. Nous devons donc accuser réception et répondre à l’appel, ce qui n’est pas encore le cas avec ce mouvement qui est encore marginal, bien que le sentiment de ras-le-bol, lui, ne l’est pas.

Comment se fait-il que les rues ne soient pas plus pleines d’indignés réclamant du changement, alors qu’à peu près tout le monde est au courant de ce qui se passe sur la planète? Peut-être est-ce parce que ce système fonctionne trop bien, trop occupés que nous sommes à gagner notre dû, aliénés à en oublier les autres dans cette société où la consommation est un geste du quotidien.

Occupons l’Abitibi-Témiscamingue?

Cette détention de la richesse par les plus nantis, c’est aussi celle des industries qui exploitent les ressources sans payer de redevances, qui empochent le gros lot sans même dire merci, comme c’est trop souvent le cas ici en Abitibi-Témiscamingue. Sommes-nous tous trop bien pour réagir? L’ordre établi est-il trop confortable? Notre milieu est-il trop tissé serré pour que l’on conteste les privilèges de notre voisin, qui est parfois un parent, une connaissance, un ami? Selon Statistiques Canada, les gens qui gagnent un salaire annuel de plus de 100 000 $ font partie des 5 % les plus nantis au pays. Connaissant les salaires offerts par les industries principales de la région, il y a fort à parier que ce soit plus de 5 % de notre population. Est-ce pour ça que l’Abitibi-Témiscamingue n’a pas encore emboité le pas au mouvement?

À moins que ce ne soit parce que ce qui a présidé à la fondation de la région, c’est un fort sentiment de liberté, une soif de recommencement, une atmosphère de début du monde? Comme nous sommes peu nombreux, nous avons peut-être l’impression que nous avons un peu de pouvoir sur nos vies, que nous pourrons bien tout chambouler si ça nous chante : en attendant, on améliore collectivement les choses en se parlant et en se concertant. Si c’est le cas, ce serait quand même bien de ne pas nous priver de l’énergie que peut procurer une bonne dose d’indignation. Nous savons à l’occasion crier notre rage – pensons à la magnifique marche verte d’il y a un an, au Témiscamingue –, mais il est plus rare que nous participions à des mouvements mondiaux. Pourtant, le temps de notre relatif isolement est bel et bien terminé: la planète est devenue toute petite; la solidarité doit d’autant croître.

Mise au point

Dans l’édition du mois dernier, un article portant sur la remise du prix Thérèse-Pagé au sculpteur Jim Couture était affublé d’un titre pouvant porter à confusion. Le but était de faire ressortir le caractère autodidacte de l’artiste, son parcours inusité loin des écoles des beaux-arts, son rapport quasi physique avec la matière. Il semble cependant que le terme « jobbeur » ait également un côté péjoratif qui nous avait malheureusement échappé. Nous offrons donc nos excuses à M. Couture, et lui assurons qu’il n’y a aucune équivoque dans le respect et l’admiration que nous portons à son œuvre. 


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