« Cet eldorado /que nous laissons fuir/ dans l’ordinaire des jours » (p. 11).
Je ne sais pas si vous avez vu sa tête ou sa photo, mais cet auteur a l’air très jeune pour quelqu’un qui a vu autant de pays ! Je veux dire géographiquement bien sûr, mais métaphysiquement aussi. Nicolas Lauzon, poète et père de famille, habite aujourd’hui à Rouyn-Noranda où il enseigne au primaire. Le soleil qui habite ses textes provient de l’Afrique où il a séjourné, la mer et les vastes espaces viennent quand à eux de ses années à Blanc-Sablon. En fait, il était supposé aller en Afrique lorsqu’ils ont tourné à gauche sur la carte, et sa femme et lui sont partis à Blanc Sablon pendant quelques années avant de venir s’installer dans la région qu’il fréquente depuis l’adolescence.
Vous avez sans doute entendu, comme moi, dire qu’il y a plus de poètes que de gens qui lisent de la poésie. C’est bien dommage, car certains risqueraient de se priver de quelques moments fort plaisants en passant à côté de cette petite plaquette.
Des morts qui portent loin
Le volume est séparé en deux sections, dont la première et plus fournie s’intitule « la course au ciel bleu ». C’est ici que vous trouverez des textes qui vous feront voyager du bord de mer jusqu’au fond des forêts abitibiennes en passant par l’Afrique. L’auteur sait poser le regard au loin, rêver de soleil, dans un quotidien fait de neige, d’enfants et d’amour. Pour ceux qui s’interrogent concernant le sous-titre, celui-ci est remis en contexte dans le dernier poème de la section. Ressemblant plus à un clin d’œil, « le ciel bleu » apparaît alors comme la seule sagesse de l’âge.
La deuxième section, intitulée « à petits soubresauts », contient plus de références culturelles dans des textes un peu plus rythmés, traversés par des musiciens tels que Leonard Cohen et Miles Davis. Mais la littérature est aussi très présente par ses grands noms, comme Jack Kerouac et Ernest Hemingway. La grande littérature apparaissait déjà dans la première section par des textes comme « cantouque » (p.23) répondant à Gérald Godin et honorant sa mémoire, le poème « trimballe des sentiments ».
Sans point à coup sur
Ce recueil, dont le style particulier frappe par l’absence de ponctuation, révèle sa force toute en rythme, toute en images. Le point de vue s’avère très masculin par la manière d’aborder les obligations parallèlement à la chasse, la vie parallèlement à la mort. On trouve ici une expression de la littérature québécoise et comme chez Gaston Miron, un certain souffle d’universalité.
La poésie ne figure pas au premier rang de mes habitudes littéraires. En fait, je lisais un roman historique que j’avais du mal à poser et dont je vous parlerai dans la prochaine livraison de l’Indice bohémien lorsque j’ai reçu Géographie de l’ordinaire. Je l’ai donc fait lire à ma mère qui était disponible. Je vous dirais que même ma mère vous recommande ce petit recueil qui vous fera rêver à d’autres cieux autant qu’à celui que vous habitez. À savourer tranquillement, particulièrement « Le territoire de nos amours » (p. 24-25).