Récipiendaire du prix à la création artistique pour l’Abitibi-Témiscamingue remis par le Conseil des Arts et des Lettres du Québec en 2009, la peintre rouynorandienne Martine Savard est une des rares artistes à pouvoir vivre de sa création en région. Mais cela lui importe peu : de toute façon, pour elle, peindre c’est vivre.

Les tableaux colorés de Martine Savard ont récemment été montrés à Outremont, à Gatineau, à Val-d’Or (dans le cadre de l’exposition Nomade, de la collection Loto-Québec); une cinquantaine de petits tableaux, inspirés par les histoires que lui ont confiées les commensaux de quatre restaurants de Rouyn- Noranda, sont exposés chez Olive et Basil; et elle donne des ateliers dans les écoles. Ses œuvres voyagent, son art s’exprime, sa création est vivante. « Je n’ai jamais tant exposé qu’au cours de la dernière année », se réjouit-elle. Elle vend bien quelques tableaux (« J’ai une certaine clientèle à Montréal »), surtout des petits formats, mais selon elle, le marché de l’art au Québec est minuscule, et souffre de l’absence de tradition d’acquisition. « Les gens préfèrent acheter une reproduction éphémère à 10 $ qu’une œuvre qu’ils pourront léguer à leurs enfants, et qui va les toucher, les remettre en question, s’adresser à leurs émotions », se désole-t-elle.

Elle est présentement en pleine période de création et travaille sur une série d’une vingtaine de grands tableaux eux aussi inspirés des Conversations des dîneurs. « Ces temps-ci, je passe tout mon temps dans mon atelier, je ne sors presque pas, je n’ai le goût de voir personne, explique-t-elle. Je peux peindre de 8 h à minuit, puis me lever à midi et travailler jusqu’à 3 h. Dans ce temps-là, je deviens carrément peinture », laisse-t-elle tomber, convaincue… et convaincante.

Inspirer et s’inspirer
Cette passion qui l’anime, Martine Savard tente de la transmettre aux jeunes au cours d’ateliers dans les écoles. Pour elle, il est primordial de solliciter l’imaginaire des enfants, en ces temps d’images publicitaires et numériques prémâchées et omniprésentes. « Les arts plastiques sont un langage qui mérite d’être enseigné au même titre que le français et les mathématiques », plaide celle qui compte plus d’une vingtaine d’années de pratique. « Moi, si je fais ce métier-là, c’est grâce à un prof d’arts plastiques que j’ai eu au primaire à Matagami, au fin fond des bois ! » Comme quoi quand il est question de la langue du cœur et de la tête, la géographie perd une partie de son sens.

Son inspiration est stimulée par le regard qu’elle pose sur le monde. « J’ai déjà produit une série en m’inspirant des chroniques de politique internationale du défunt journaliste de la radio de Radio-Canada, René Mailhot », s’amuse-t-elle. Ces temps-ci, son inspiration est plus locale, tournée vers la région et les gens qui l’habitent : en plus de sa série sur les histoires des dîneurs, elle a récemment produit un ensemble d’œuvres traitant des noms de lieux algonquins, ou encore de phrases que les gens lui ont dites. « Je suis fascinée par la lumière qu’on trouve ici. J’ai été élevée à Matagami, où il n’y a à peu près pas de relief, où l’horizon est plat. Ainsi, de la même façon, il y a peu de perspective dans mes œuvres, analyse Martine Savard. Ici, parfois le ciel est trop grand, et malgré ça il manque d’espace quand il est rempli d’étoiles. » Qu’à cela ne tienne : Martine Savard pourra toujours se rabattre sur la peinture si le ciel devient trop petit pour elle.


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