Revoilà septembre et le retour au travail. Je suis enseignant, voyez-vous. Mes vacances sont terminées. Sept semaines. Ça reste un des beaux côtés de l’enseignement, envié par plusieurs. C’est aussi une façon polie de fermer leur gueule aux profs : « vous avez deux mois, l’été ! ». Un collègue à moi pourrait expliquer que ce ne sont pas des vacances au sens du code du travail. Il a sa théorie là-dessus, qui se tient, c’est vrai, mais qui ne convainc pas grand monde.


Revoilà donc septembre et la rentrée. C’est une belle occasion de vous parler de l’école. Vous me permettrez, pour cette chronique, de jouer au curé, de prêcher pour ma paroisse et de me porter à la défense de cette école trop souvent roulée dans la boue par des médias en quête de sensations et des animateurs qui font les gros yeux, prétendant tout connaître sur tout (ça me rappelle Jean-Luc Mongrain qui, à partir d’une simple liste de matériel scolaire, était capable de critiquer l’ensemble du système scolaire. Faut être fort ! !).


La liste est longue
L’école a déjà une longue liste de choses à faire chaque jour: enseigner à lire, écrire et compter; dispenser des cours de sciences, d’histoire, d’anglais, d’éducation physique, de culture religieuse. Par la bande aussi, elle donne des habiletés de travail, aide à développer des aptitudes sociales, accompagne des jeunes en difficultés d’apprentissage et de comportement. Mais voilà que pour certains, ça ne semble pas assez. L’école aurait plus à faire.


Exemples en vrac, lus ou entendus un peu partout ces derniers temps. D’abord, la Société de sauvetage voudrait qu’on y apprenne à nager, des parents aimeraient qu’on y donne des cours de sexualité. Il faudrait aussi, parait-il, que l’école assure une bonne formation en finances personnelles. Mais le plus drôle, c’est Ricardo Larrivée, notre cuistot télévisuel et télégénique, qui affirmait, sur le site canoe.ca en mars dernier, qu’il devrait y avoir des cours de cuisine à tous les degrés du primaire et du secondaire. Selon lui, ça pourrait aider à la lutte au décrochage (ils ont tous leur solution, ma foi !) et améliorer la santé des jeunes. Oui, ça peut se tenir, l’idée est noble. Mais il faut savoir que notre chef Ricardo, en plus de savoir bien cuisiner, sait aussi compter : plus de jeunes qui aiment la popote, c’est plus de futurs acheteurs de revues Ricardo et de maniaques d’émissions de cuisine. Money talks!


Et la réalité dans tout ça ?
On ne peut être contre la vertu, on voudrait des jeunes aux mille talents et intérêts, on voudrait éliminer tous les dangers. Mais il reste toujours un détail que les promoteurs de ces belles idées oublient: le comment. Comment faire tout ça, avec le monde, l’argent, l’équipement, l’organisation en place ? Y a t-il des piscines accessibles partout ? Y a-t-il des profs qualifiés et surtout prêts, à l’aise, pour parler sexualité, pour enseigner comment mettre un condom ? Faudra-t-il équiper toutes les écoles de fours, casseroles et micro-ondes ?


Coupable de bien des maux et, comme par magie, solution à tous les problèmes, l’école a le dos large. Large parce que plusieurs dans notre société ont abandonné, laissé tomber leurs responsabilités, surtout les parents. N’est-ce pas à eux de montrer quelques éléments rudimentaires de cuisine, de jaser relations amoureuses et sexe avec leurs ados ? Pourquoi laisser ces choses-là, importantes certes, à des profs, qui passent à peine dix mois avec les jeunes, pour ensuite pointer un doigt inquisiteur et décrier leur incompétence ?


L’école n’est pas un club de sauvetage, ni un CLSC, ni un institut hôtelier. Qu’on lui laisse remplir sa mission, déjà bien chargée. Ce n’est pas un fourre-tout.


Auteur/trice

Abitibien d’adoption, Valdorien depuis 20 ans, Dominic Ruel est enseignant en histoire et géographie au secondaire. Il contribue à L’Indice bohémien par ses chroniques depuis les tout débuts, en 2009. Il a été président du CA de 2015 à 2017. Il a milité en politique, fait un peu de radio, s’est impliqué sur le Conseil de son quartier et a siégé sur le CA du FRIMAT. Il aime la lecture et rêve d’écrire un roman ou un essai un jour. Il est surtout père de trois enfants.