Un ami me rappelait récemment l’époque à laquelle Internet est entré dans nos demeures et où l’argument favorable populaire était la chute des frontières terrestres qui nous permettait maintenant de visiter le Louvre sans traverser l’océan. À ce moment Internet ça me semblait parti pour devenir un fleuve d’information et surtout, un efficace outil corporatif.
Au début, seules des firmes d’ingénierie X et des grosses chaînes de restaurants possédaient leur site (hormis quelques pages Geocities visuellement désagréables dédiées à Devon Sawa ou JTT.) Je voyais ça comme une invention pratique mais aussi excitante que jouer aux petites quilles : après 20 minutes, ça peut devenir une expérience négative. J’étais loin de me douter de l’ampleur qu’allait prendre l’aspect social et de divertissement sur cet engin dès lors étroitement et trop souvent abusivement lié au nombre « 2000 ».
Probablement à raison, plusieurs jugent démesuré l’espace toujours grandissant qu’occupe le Web dans nos vies. On pointe surtout la dépendance qui vient avec. Il y a toujours un côté de médaille un peu plus graisseux, mais y’a surtout toujours quelqu’un pour y tracer ses doigts; comme le monsieur qui appelle à Maisonneuve en direct pour se réclamer d’une discrimination injuste calculée par Radio-Canada et son nouveau concept de webtélé (qu’il paie avec SES taxes) dont il ne peut bénéficier sur Linux. Dans la vie, il existe ce type de personnes qui démontre très peu d’indulgence pour ne pas limiter ses opportunités de geindre à outrance sur les lignes ouvertes. Mais il y en a d’autres, comme la contrastante dame aveugle qui réussit à applaudir la bonne qualité sonore de ce TOU.TV-là. C’est le genre d’attitude olympienne que j’admire. C’est pour ça que j’ai tenté de faire réfléchir le côté éclatant de la médaille sur la montée spectaculaire de la cote populaire des trois « w » selon les bénéfices retirés par l’Abitibi-Témiscamingue.
Je n’ai pas fait une étude rigoureuse veillée par un comité consultatif, mais j’ai l’impression et l’envie d’affirmer que la proximité quasi absolue que procure le cyberespace profite particulièrement à une région comme l’Abitibi-Témiscamingue. Si beaucoup de gens ne verront jamais le Louvre sans l’intervention de Windows (ou n’importe quel autre système d’exploitation), encore moins se rendront physiquement « là où les eaux se séparent». Selon moi, l’utilisation d’Internet comme outil de promotion ou de valorisation peut certainement convaincre quelques frileux de traverser le parc ou, à tout le moins, prendre une place concrète dans l’esprit des pauvres qui ne verront jamais le Domaine. Avec l’explosion des groupes Facebook comme « Moé, j’viens de l’Abitibi », « Tourisme Abitibi-
Témiscamingue » et autres déclinaisons du genre « J’AI déJÀ rEsTé ou j’hABite à Amos, YEAh!! », je ne crains pas que le sentiment d’appartenance et d’enracinement soient bien stimulés. Depuis mon arrivée à Montréal à l’automne, je reçois en continu des nouvelles de ma région, même les plus futiles (mes préférées). Ça me rappelle à l’inverse comment la région a toujours été sommée d’entendre parler des moindres détails de ce qui se passait à Montréal. Genre le développement journalier du dossier des petites chutes illuminées de la Place des Festivals, me faisait remarquer un ami.
J’ose croire que la crue du Web permettra d’enrayer certaines inégalités que je juge depuis longtemps injustifiées et souvent incompréhensibles. Il y a d’abord l’inéquitable visibilité que je viens d’aborder. En effet, j’ai la tendre impression que la région prend une place plus représentative dans le flux informatif que permettent les Twitter, blogues et autres plateformes libres. Ensuite, en termes d’accès, je crois que l’Abitibi-Témiscamingue est aussi favorisée. Enfin, on peut y lire les nouvelles des médias écrits qu’on veut en même temps que tout le monde : Le Devoir tôt le matin, le Voir la semaine de sa sortie. Ça me soulage aussi légèrement de savoir que l’Assemblée nationale peut être suivie en ligne. Ça répond en partie à la ségrégation que vit l’Abitibi-Témiscamingue, qui n’a jamais eu accès à cette information directement sur ses ondes. (Faudrait mettre le monsieur de Linux là-dessus.) Je remarque également que l’achat en ligne permet enfin de régulariser certains marchés en étouffant la trop grande puissance du monopole souvent présent en régions éloignées. Je pense à certains disquaires déconnectés qui font en sorte que le Canadian Tire prend la forme d’un lieu privilégié pour l’achat de musique. Come on! Et finalement, moi je remercie Bill Gates de me donner la possibilité de demeurer présente, ne serait-ce qu’en mots, chez nous. (Et de visiter le Louvre quotidiennement, évidemment.)