Non, je ne ferai pas ici de Martineau bashing. En fait, le document télévisuel des Francs-tireurs, « Veuves de chasse » – portrait tracé à traits de crayon de cire gras d’une réalité estropiée pour le bénéfice d’un divertissement ignorant et inutile – est plutôt le point de départ d’une réflexion. Qui sert l’image rustre ou «sous-développée» (pour reprendre l’expression d’un intervenant du « reportage ») de l’Abitibi-Témiscamingue? La décadence, le développement attardé, la mode ringarde, la saoulerie chronique, les gros bras, l’ignorance technologique et culturelle, mettons? Mais est-ce qu’on voit ça pire que c’est? Est-il nécessaire, ou encore souhaitable, de s’insurger contre ça?

S’il s’avère nécessaire de redorer l’image de la région, je vote pour qu’on n’en adopte pas une qui serait à l’opposée mais tout aussi en orbite de la réalité. J’observais une publicité dans le métro cette semaine qui visait (en hurlant) à promouvoir la vie en région et ses vertus : petites maisons de campagne à portes rouges, grand-maman avec laptop installée sur un rocher comme chaise d’ordi, jeunes rigolant autour d’une guitare à l’extérieur qui portent tous le casting  de la banque d’images « personnes en overdose de sérotonine au teint mat ». On est mal pris si un consommateur averti vient nous réclamer ce qui était affiché : « Elle est où la gang dans le pic de la pyramide de Maslow qui vit profondément sa plénitude à chaque respiration? ».

Bon, il ne faut pas prendre le monde pour des épais. L’ensemble du Québec a assez de jugement pour se douter que les Abitibiens ne sont pas plus ça que de graves dépendants au Notre vin maison qui flirtent avec la descendance de restants de filles du Roy. Tout le monde sait qu’il n’y a pas de frontières qui résiste aux « ti-counes ». Je suis convaincue que si une fiction sociologique permettait d’évaluer l’indice de « ti-couneté » d’une région, il serait sensiblement le même partout. Le « ti-coune » officiel, pour être reconnu, devrait se déclarer lui-même comme tel et obtenir la reconnaissance de ses pairs. Comme de tels aveux sont peu probables, sur ce point-là, faut me croire sur parole.

Ainsi, partons de cet a priori. Mais est-ce qu’on peut aussi se dire qu’on n’est pas tous Richard Desjardins non plus? Pour une Abitibi- Témiscamingue lucide, je dis : valorisons-nous sans prétention pour ce que nous sommes, imparfaits mais riches en Calvaire. En fait, y’a une phrase de Là-bas, chanson tirée du magnifique album de Fred Pellerin, qui compare la ville et la campagne et exprime bien cette lucidité-là :

 

« Là-bas tout le monde connaît personne/icitte tout le monde en connaît deux ». Rien de sensationnel mais on ne peut plus honnête!


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