Enchantement à l’écran de la caverne en briques brunes du Théâtre du cuivre! Hôtel Eden… à l’étage… chambre X… à la fenêtre – soleil jour de grâce – vue sur des édifices faits de terre séchée… Orient… Méditerranée. Un bel homme, mature et musclé, une belle femme, douce et câline, sont assis tranquilles et nus… l’un pour l’autre. Ils s’enlacent, s’embrassent, se caressent, et là, fondent en amour. Rencontre idéale, sûrement idéelle, une messe charnelle, un éloge de fragilité de par leurs corps amoureux. « Au commencement l’homme et la femme étaient nus et ils n’avaient pas honte. » (La Genèse)

 

À Rouyn-Noranda, c’était un dimanche. Le climat nous rappelait que nous sommes ici entre deux saisons; l’hiver qui commence et celui qui finit. Mon père est en visite pour un séjour éclipse. Nous allons au cinéma. Les bobines se déroulent au rythme prescrit. La lumière machinée projette les images de nombreux films qui, sans les efforts des ordonnateurs du festival de cinéma local-national-mondial, nous auraient échappés. Il n’y a pas de cinéma sans cinéphile, pas non plus de cinéaste sans cinéma. Heureux du festival, nous y trouvons du Cinéma au « théâtre ». À l’augure de la projection de l’après-midi, la société nationale d’électricité, à la prise souriante et longue, nous évite des annonces tout en laissant monter les bills. Le cinéma du festival choisit ses dépendances. Les économies en moins, on espère y surpasser le divertisement tel qu’annoncé au Blockbuster du coin. Quelques films, dont celui de Mihal Brezis et Oded Binnun, pourront faire mémoire. Leur film, Paradis perdu ou Paradise Lost, un court métrage, a retenu mon attention.


Alors que cet ouvrage est projeté au fond de la caverne, on assiste à la voluptueuse rencontre d’un homme et d’une femme sous un beau jour d’Orient. De suite, la caméra vient prendre la place des monstres, sous le lit. Elle révèle l’homme par les pieds, celui-ci se vêtant de son costume traditionnel. Puis, la femme se voile tandis que l’homme met son chapeau noir. Ils se regardent alors, à savoir « Maintenant, qui sortira le premier ? » Dans la rue et les cours, au sortir de l’Hôtel, les tissus, leurs costumes, les font prisonniers. Seul le rêve échappe au tailleur. Ce n’est plus qu’en rêve que l’homme retrouvera le nid de ces ébats doucereux, magnifiques et envoûtants. Mais… qu’arriverait-t-il si un enfant avait été fécondé ? Le leur ? Le nôtre ? Au public d’y réfléchir. À l’hôtel Éden, deux pommes sont restées intouchées sur la table à café. Le paradis est-il à trouver, à gagner ou à perdre? Parler de gagner ou de perdre, c’est déjà laisser se raconter nos diableries. La pomme croquée, se retrouverait-on alors en enfer, partageant une commune humanité ? On n’en sortira pas… pas vivants en tout cas… Peut-on redécouvrir la nudité ?

Sur la rue, on me demande souvent : « Où est le cinéma ? » Je n’ose pas répondre. J’hésite alors entre dire « Je ne parle pas français. » ou « Je ne suis pas d’ici. » La deuxième réponse ferait de moi un voyageur, profiteur, explorateur ou ouvrier, ce qui est courant par icitte. La première réponse, un anglais ne l’aurait pas dite, préférant être préoccupé ou ben dire « You speak English ? » J’essaye plutôt, la plupart du temps, de produire en langage universel un geste bref et précis avec mes mains, fait de tout mon corps, et j’évite de m’attarder. Il est où le cinéma en juillet à Rouyn ? Cette journée-là, si on m’avait demandé où est le cinéma, j’aurais dit : « Par ici ! »

Bon voyage. Bonne chance. Bon Cinéma.


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