Quelle est la forme graphique de la reprise économique post-COVID? S’agira-t-il d’une reprise en U, en V, en L ou même en W?! Après la courbe en forme de cloche du docteur Arruda, voici que la presse économique occidentale lance une nouvelle tendance en matière de courbe statistique!

Et chacun d’y aller de pronostics : mauvaise nouvelle si c’est en L, écrivent certains, se rappelant la courbe de la trop lente reprise du Japon en 1990. Toute cette gymnastique de représentation statistique en forme de l’une ou l’autre des 26 lettres de l’alphabet pour en arriver à un constat final : la reprise sera, mais à la condition que le coronavirus n’intervienne pas à nouveau dans le processus. That’s it?

Voilà une pensée simpliste qui ne traduit qu’une seule obsession : revenir à la normale même si c’est l’anormale. « Celui qui pense qu’une croissance exponentielle infinie est possible dans un monde fini est soit un fou soit un économiste », déclare un… économiste dans le documentaire Sacrée croissance.

Conscients de notre vulnérabilité, certains d’entre nous ont déroulé le plastique de serres. Nous avons compris avec stupeur que la souveraineté alimentaire québécoise pensée par Jean Garon et François Gendron n’existe plus et sera de plus en plus difficile à atteindre. Entre les poules urbaines et les micropousses, la mondialisation de l’économie s’est insinuée partout, même dans nos ruches, par la présence d’un petit coléoptère parasite venu d’Asie.

Notre décodage des événements devrait pourtant nous avoir appris que nous vivons au rythme de dynamiques complexes entre la stabilité et le chaos, comme le prédisait il y a une centaine d’années le mathématicien Poincarré. Notre autonomie alimentaire repose actuellement en grande partie sur l’initiative personnelle et courageuse de producteurs régionaux qui s’investissent à fond dans le circuit court de production. Nous trouvons admirables les Boréalait, Boucherie Des Praz et autres qui ont transformé le lait en surplus voué au caniveau ou fait boucherie des vaches de réforme au bénéfice des banques alimentaires. Le problème, c’est qu’il n’y a plus de cohésion sociale collective pour un modèle structuré et régional d’autonomie qui valoriserait le territoire et planifierait la sécurité alimentaire des plus vulnérables en continu. Laisserons-nous ces entrepreneurs monter seuls au combat? Pouvons-nous réfléchir et agir collectivement en pensant à long terme?

J’entends certains intervenants régionaux se réjouir que l’achat local soit à la mode. À la mode? Nous n’en sommes plus là! Au Québec, début juin, 40 % des adultes souffriraient du syndrome post-traumatique, 17 % de la main-d’œuvre canadienne était au chômage et 60 % du personnel de la santé en détresse psychologique.

Comme le démontre Maslow par sa pyramide des besoins vitaux, se nourrir est la base de la vie et plusieurs n’arriveront pas à manger à leur faim quand les mesures d’urgence prendront fin. Pourtant dans une société profondément meurtrie, faudrait comprendre que le premier chantier à ouvrir, c’est celui de la concertation des acteurs de tous les horizons afin de mesurer la complexité du chaos et mettre des solutions durables sur la table. Quant au plan de déconfinement en culture, il y aurait tellement à redire sur l’art et la thérapie sociale plutôt que de dire aux artistes : « Réinventez-vous! »

Dans ce pays déflaboxé à l’italienne qui ne carbure qu’au rythme des points de presse ponctuels, notre région pourrait-elle prendre le temps de comprendre ses propres systèmes dynamiques? Permettez-moi de faire du journalisme de solution : maintenant que l’anachronique projet de loi 61 est sur pause, lisez 101 idées pour la relance, produit par les auteurs et signataires du Pacte pour la transition. Il y existe une proposition concernant la mise en place de chantiers régionaux. Si celle-ci suscite une volonté d’engagement chez vous, rétroagissez ici et lançons une conversation dans L’Indice bohémien.

Au fait, il paraît, selon Bloomberg.com que la meilleure reprise économique pourrait s’illustrer par la lettre Bê de l’alphabet arabe : ب


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