Au moment d’écrire ces lignes, je tentais de relever le défi de traverser février sans boire d’alcool. J’ai commencé le 4. Le 3, c’était le Super Bowl, mes Patriots s’y retrouvaient encore une fois, c’était Brady, il y avait la bouffe, des copains : « Je commencerai demain! », me suis-je dit. Avec, oui, je l’avoue et l’assume, une certaine angoisse.

Sincèrement. La semaine, ça va, ça roule, ça peut aller. Ce sont les fins de semaine qui m’inquiètent. Difficile d’imaginer mon vendredi, sans une bière et mon vino rouge. Difficile aussi de penser à mon cinq à sept du samedi, quand ma femme et moi prenons notre Tête de Pioche du Prospecteur en écoutant La Soirée est encore jeune. Au moins, février est le mois le plus court. Et 2019 n’est pas bissextile. C’est le temps d’essayer.

Que ce mois de sobriété, publicisé, partagé, tenté par plusieurs, existe, en dit beaucoup sur notre rapport à l’alcool. L’alcool s’est incrusté dans nos vies quotidiennes, dans nos mœurs. On est loin de la Commission des liqueurs avec ses employés, derrière un comptoir, qui allaient chercher une bouteille à la fois. On est loin des « régies », comme disait mon père, lieux froids et métalliques où n’entraient presque que les « robineux ». On en est arrivé à de magnifiques magasins, au choix fantastique. Il faut dire merci à Gaétan Frigon, ancien PDG de la SAQ, qui a fait un travail immense : rendre agréable, cool et surtout normale la fréquentation des succursales. La consommation d’alcool s’est banalisée et démocratisée. Toutes les occasions sont bonnes pour prendre un verre : un événement heureux, une promotion, une journée difficile, une mauvaise nouvelle, c’est VINdredi, ouf! C’était un gros lundi. Boire est devenu une forme de norme sociale : il est bien vu d’aimer le vin, on se croise à la SAQ, il est suggéré de connaître les bons accords, d’expérimenter les nouvelles bières. L’alcool fait partie de la culture. C’est beaucoup la bière et le vin. Les microbrasseries se multiplient. Puis, le fort et les drinks prennent beaucoup de place. On a des experts en création de cocktails. Boire est encouragé, même si – et j’en ai été surpris moi-même – Éduc’alcool note une légère diminution de la consommation et une meilleure compréhension des règles à suivre.

« L’alcool est élément de convivialité, mais il peut être aussi, par son excès qu’il faut expliquer sociologiquement, élément de destruction », constate Robert Chapuis, dans son essai L’alcool, un mode d’adaptation sociale? (Éditions L’Harmattan) L’alcool a un double visage, tout est une question de dosage. Mais il est vrai que l’alcool est probablement la substance… disons nocive, dont on fait le plus la promotion. (Quoique le pot pourrait bientôt rivaliser d’ingéniosité de marketing et de banalisation sociale!)

Et pour finir, je serai franc. Au moment d’écrire ces dernières lignes, je confirme que je n’ai pas réussi le défi : j’ai pris quelques verres. Ça aura duré quelques jours seulement. Et je n’ai pas de remords. Malheureusement, la volonté ne se vend pas en bouteille…


Auteur/trice

Abitibien d’adoption, Valdorien depuis 20 ans, Dominic Ruel est enseignant en histoire et géographie au secondaire. Il contribue à L’Indice bohémien par ses chroniques depuis les tout débuts, en 2009. Il a été président du CA de 2015 à 2017. Il a milité en politique, fait un peu de radio, s’est impliqué sur le Conseil de son quartier et a siégé sur le CA du FRIMAT. Il aime la lecture et rêve d’écrire un roman ou un essai un jour. Il est surtout père de trois enfants.