Dans toutes les cultures, le partage d’un repas est un élément qui rassemble. Chez les Premières Nations, cette coutume ne fait pas exception, elle fait même partie d’une tradition bien ancrée dans les saisons et les moments marquants de la vie.

Le mogocan, prononcé « mogoshan », est pour certains un festin communautaire tandis que pour d’autres, c’est un acte sacré qui sert à nourrir l’esprit et à honorer les ancêtres. Bien au-delà d’un simple repas-partage, le mogocan sert à célébrer les éléments et, par la même occasion, à les remercier de leur présence en leur donnant de la nourriture. Afin de mieux vous décrire le mogocan, je me suis entretenue avec Roy Paul, un aîné de Timiskaming First Nation qui consacre sa vie à faire revivre les cérémonies de ses ancêtres. 

ANCRÉ DANS LA SPIRITUALITÉ

Comme tout est lié à l’environnement et à la nature dans la culture anicinabe, le monde non visible en fait aussi partie. Pour ceux qui ont déjà participé à un festin, vous avez sans doute remarqué la prière avant de servir la nourriture. Elle est souvent accompagnée du moment où une assiette pleine de nourriture est partagée avec les esprits. Selon l’occasion, cette assiette peut être placée dans la forêt, sous un arbre, dans l’eau ou même dans le feu. Les éléments servis changent selon le territoire, la communauté et les préférences des familles. Par exemple, pour un festin d’été, Roy Paul suggère d’offrir du maïs, du riz, des petites baies sauvages et du poisson. On offre aussi de l’eau, et on dépose le tout sous un arbre dans la forêt pour nourrir les esprits.

Il existe aussi des festins pour les personnes décédées et les ancêtres. Lors d’un festin donné en l’honneur d’une personne défunte, l’offrande est placée dans le feu. Le feu est l’élément qui prend directement la matière physique pour l’envoyer vers le monde invisible de l’esprit. Lors de l’anniversaire de décès d’un défunt, ses mets préférés sont préparés, servis aux invités et offerts au feu en son honneur. 

Dans la culture anicinabe, les esprits sont nos ancêtres, mais ils sont aussi présents dans les choses qui nous entourent. Ils sont considérés comme des êtres vivants puisqu’on peut sentir leur présence si on y porte attention. Par conséquent, ils ont également besoin d’être nourris. Les objets sacrés (tambour, pipe sacrée, hochet, capteur de rêves) sont nourris, tout comme les endroits sacrés tels que la tente de sudation (ou sweat lodge), la tente tremblante (shaking tent), le feu sacré ou même le tipi. Outre la nourriture, on utilise les plantes sacrées telles que le cèdre, le tabac, le foin d’odeur et la sauge pour nourrir les objets sacrés lors des différentes cérémonies. 

Avec le festin viennent les chants. Chaque élément de la culture est honoré par un chant sacré. Que ce soit l’eau, la terre, la lune, l’aube ou le crépuscule, un chant spécifique lui est consacré. Le festin ne fait pas exception  : il y a un chant sacré dédié au mogocan, ou à l’événement qu’on y célèbre. Ces chants sont simples, très différents de ceux qu’on peut entendre lors des pow-wow. Au-delà des notes, ils sont empreints de sincérité et d’humilité et s’adressent directement aux éléments honorés. 

NOURRIR LE FEU SACRÉ

Un enjeu important qui revient chez les gens que je côtoie ces derniers temps est celui de ramener ces cérémonies sacrées dans le quotidien des Anicinabek, que les jeunes issus des Premières Nations réapprennent à pratiquer les cérémonies qui ont été perdues au fil du temps. « Les gens ont besoin de se réapproprier leurs cérémonies. Nourrir leur feu sacré intérieur. C’est aussi ça l’esprit du festin  », explique Roy Paul. Ce processus sera long, mais aidera le peuple anicinabe à guérir des blessures passées et présentes. 

Photo en accompagnement : Roy Paul par Pascale-Josée Binette.