De la graine au fruit en passant par la fleur, tout un monde s’exprime. Toutefois, sans les forces formatrices du jour et de la nuit, des cycles lunaires et des saisons, la graine n’est rien qu’un univers clos.

Résultat d’un long processus s’étendant sur plusieurs mois, à la faveur de la santé de la plante mature dont elle est issue, la graine s’est constitué une banque de nutriments concentrés caractéristiques de sa nature qui seront propres à lui assurer un bon départ, dans la mesure où, avant de naître à la lumière, elle aura été déposée dans le substrat adéquat, au bon moment, ni trop tôt ni trop tard, et aura pu bénéficier de la température et du taux d’humidité idéaux. Bref, de la maturation juste de la plante mère dépend le potentiel de la graine mais, si toutes les conditions souhaitables ne sont pas réunies, la plante issue de cette graine ne pourra sans doute pas révéler tout ce potentiel et porter fruit, objectif ultime s’il en est un pour la plante.

La petite graine est patiente, au frais, au sec et à l’ombre, attendant la révélation. Mais le temps lui est compté. En effet, plus le temps passe avant la mise en terre, plus son pouvoir germinatif diminue. Elle est programmée, selon sa nature, à ne pouvoir déployer toutes ses forces de vie que pendant un temps limité. Par exemple, une céréale, le grain de blé bien conservé, pourrait garder son pouvoir germinatif pendant cinq ans tandis qu’une légumineuse, le grain de luzerne bien conservé, ne pourra germer approximativement que dans les deux années suivant sa récolte, après quoi il perdra très vite les qualités propices à son développement. Un test de germination vous convaincra : prenez cent grains d’avoine et faites-les germer sur un plateau entre deux essuie-tout mouillés et soustrayez-les à la lumière. Vous pourrez, au bout de deux ou trois jours évaluer le pourcentage de vie de votre avoine.

Étonnant, n’est-ce pas, que le geste de semer soit à la fois si lourd de conséquences et aussi chargé de sens? C’est que la germination – ou le pourrissement de la graine – est tout entière déterminée par le contexte du moment des semences.

La vie s’organise avec la vie.

La nature du sol, qu’il soit riche ou pauvre, chaud ou froid, sec ou humide, la période saisonnière hâtive ou tardive, la lune, le soleil; tout participe à l’émergence ou à l’échec. Comme dans un travail d’équipe où chacun fait sa part, toutes les forces de vie contribuent à l’essor. La seule absence d’une de ces conditions gagnantes empêchera le miracle de se produire. « Être ou ne pas être, telle est la question. »

Organisation des forces en présence, actions et interventions du jardinier au moment opportun ou non, toutes ces influences agiront sur la plante qui luttera pour sa survie si elle est menacée… avec les moyens qui lui sont propres, bien sûr. Les plantes se comportent de bien des façons pour survivre. Elles ne mordent pas, mais certaines sont carnivores. Parfois elles piquent, elles causent des allergies, elles prennent l’apparence d’autres plantes, elles deviennent compétitives, elles occupent le territoire, elles envahissent, etc. Fascinantes plantes!

C’est par voie de conséquence que nous tirerons parti de cette aventure à la récolte. Les quatre saisons s’inscrivent dans la graine. C’est son ADN, en quelque sorte. Après tout, le mot plante vient du mot planète. Et la vie sous toutes ses formes appartient à la terre, jusqu’à preuve du contraire, bien que l’absence de preuve n’est pas la preuve de l’absence.

Après lecture, si à votre avis toute cette interprétation du règne végétal tient du délire, les jardiniers en amour avec la vie vous diront que tout est du domaine du possible, aidés de leur réflexion profonde et riches  d’expériences vécues au jardin.

Il m’était l’autre jour très agréable de lire, sur une bonne bouteille de Tautavel Gérard Bertrand avec laquelle nous étions en harmonie, la belle phrase suivante : « Un grand vin n’est rien d’autre que l’accomplissement d’un homme dans sa recherche d’absolu, de perfection, de raffinement, d’excellence au service de son terroir. »

Le goût de ce vin aidant, j’étais ravie!

 


Auteur/trice

Chroniqueuse autodidacte pour L'Indice bohémien et pour le Journal Le Pont de Palmarolle. Les sujets couverts touchent, entre autres, l'actualité, la lecture, le jardinage, le végétarisme, l'interprétation de l'objet patrimonial, les arts visuels, le portrait, l'amour de la nature et de la culture. Prix de l'AMECQ 2019 pour la meilleure chronique Notre région a cent ans.