L’histoire du parc national d’Opémican en est une de résilience et d’embûches. Inauguré en 2019 comme petit joyau de la Société des établissements de plein air du Québec (SÉPAQ) en plein cœur du Témiscamingue, l’endroit longtemps décrit comme un secret bien gardé a perdu depuis son anonymat.

« Le parc d’Opémican a été un parcours de pèlerin. En 2018, un feu de forêt avait fait rage dans le secteur Kipawa; au moment de la grande ouverture en 2019, la crue des eaux a emporté un pont qui nous a coupé un secteur prêt à être ouvert au public et en 2020, c’est la COVID », lance Ambroise Lycke, directeur général des parcs nationaux d’Opémican et d’Aiguebelle.

Biologiste de formation, Amboise Lycke s’est installé au Témiscamingue avec sa conjointe il y a maintenant 15 ans. C’est elle qui avait des racines en Abitibi-Témiscamingue. Il aura fallu que chacun déniche un emploi dans son domaine respectif, la biologie et l’agronomie. « J’y suis venu par choix. J’aime la région, j’aime ceux qui y habitent. C’est une perle rare qui mérite d’être découverte », appuie Ambroise Lycke en fier ambassadeur de sa région d’adoption.

Depuis son arrivée, il s’est investi dans différents domaines associés à l’environnement, notamment auprès de l’Organisme de bassin versant du Témiscamingue. Il a également mis sur pied un club de judo, avant de travailler pour la SÉPAQ, d’abord pour la conservation et maintenant comme directeur général. Il explique d’ailleurs que plusieurs choses le motivent à travailler à la direction des deux parcs nationaux de la région.

« Je suis un biologiste. Comme étudiant-chercheur je me suis intéressé à la conciliation de la faune et de la forêt pour que nos enfants puissent en profiter comme on peut les voir aujourd’hui. Un parc national est un moyen de préserver cette beauté, avec des standards de conservation. Ce n’est pas seulement mettre une cloche de verre dessus, mais aussi faire découvrir ces milieux », nuance Amboise Lycke.

Pour lui, le parc d’Opémican s’inscrit dans une offre nouvelle, une expérience qui n’existe nulle part ailleurs au Québec et qui sait aussi se démarquer par rapport à l’Ontario. « Géographiquement, le parc d’Opémican se situe près du grand marché touristique de Toronto. Mais les parcs ontariens sont saturés. Nous sommes en mesure de nous démarquer par la qualité de nos campings qui sont plus espacés et en milieux plus forestiers et naturels », explique Ambroise Lycke.

Le parc a aussi profité du bouche-à-oreille, tant et si bien que la clientèle ontarienne venue en début de saison a convaincu d’autres visiteurs de tenter l’expérience. « On s’est fait dire souvent : vous avez un bijou! », dit-il avec fierté.

SUR UNE LANCÉE PROMETTEUSE

Si les difficultés ont été nombreuses, déjà, après un an, les efforts portent fruit. « Ce qui nous a beaucoup apaisés, ce sont les commentaires et les réactions des premiers clients que nous avons accueillis. Nous sommes dans les grands pins, on devient presque habitués, de voir la réaction des visiteurs, leur émerveillement, ça nous a fait beaucoup de bien », raconte le directeur.

Il faut dire que le battage médiatique s’est fait très intense pour promouvoir le parc. « L’Association touristique a vraiment aidé à faire rayonner le parc qui s’est même taillé une place dans le National Geographic », souligne Ambroise Lycke.

C’est sans compter la mobilisation régionale et les ambassadeurs naturels de l’endroit, dont France Lemire, qui se plaît à guider des aventuriers dans cette terre d’évasion. Une de ses photos, d’ailleurs, coiffe le numéro estival de Géo Plein Air avec le lac Kipawa dans les feux du soleil couchant.Sans chalet rustique, Opémican propose plutôt du prêt-à-camper, une formule hybride entre un chalet dur et une tente. L’apparence est celle d’un chalet, avec un poêle, un frigo et des lits, mais les murs sont faits de toile. « La SÉPAQ tente d’être complémentaire. Il y avait déjà une offre en hébergement dur, dans les pourvoiries, nous offrons autre chose », explique Ambroise Lycke. Et la formule convient aux gens puisque, à la mi-juin, déjà 80 % de l’occupation de juillet était complète.

Dans les plans de développement, le parc d’Opémican continuera aussi de miser sur l’histoire, une autre corde à son arc. L’auberge Jodoin, construite en 1883, est l’un des trois plus vieux bâtiments encore debout de l’Abitibi-Témiscamingue. Bâti sur la pointe Opémican, il est devenu un centre névralgique pour la drave. À l’époque, l’endroit était connu sous le nom de Stopping Place Jodoin et accueillait les voyageurs. On y trouvait une forge, des cales sèches, un lieu pour réparer les bateaux et les entreposer.

« Quand on a restauré, on a dû soulever l’auberge et sous le bâtiment, on a trouvé des foyers d’occupation autochtone. Le lieu est extrêmement riche des traces du passé. Huit archéologues ont fouillé le sous-sol sous l’auberge. Ça nous a retardés un peu, mais ça a apporté un élément précieux », insiste le directeur.

L’endroit devait être inauguré en 2020, mais le sera en 2021.


Auteur/trice

Lise Millette est journaliste depuis 1998, tant à l'écrit qu'à la radio. Elle a également été présidente de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ). En Abitibi-Témiscamingue, elle a été rédactrice en chef de L'Indice bohémien en 2017 et depuis, elle continue de collaborer avec le journal.