Au début des années 2000, celle qui a été la première rédactrice en chef de L’Indice bohémien, Winä Jacob, s’est alliée avec un petit groupe de rêveurs dans le but de mettre sur pied un véritable journal culturel régional. Un journal dont la mission était d’appuyer les démarches de professionnalisation des artistes de l’Abitibi-Témiscamingue, mais aussi de faire rayonner la richesse culturelle de la région.

« Il y avait quelque chose d’un peu intangible dans le désir de cerner ce qu’est la culture régionale, ce que c’est que d’être un Abitibien ou un Témiscamien et de faire un portrait de cette culture-là. Une manière très large de se faire le miroir de cette culture-là et de participer à déterminer l’identité culturelle régionale », résume Winä Jacob.

Cette volonté de montrer ce qui se vivait culturellement sur le territoire a ainsi nourri l’intérêt de la découverte. Selon cette membre fondatrice, L’Indice bohémien a assurément contribué à ce qu’on parle davantage de ce nous collectif.

Dix ans plus tard, Winä Jacob estime que l’image de la culture a changé. L’impression d’être éloigné des grands centres ou d’être en manque de culture s’est estompée. Cette notion d’être loin a fait place à une effervescence et à un brouillement culturel auquel participe la population. « La fierté face à nos organismes culturels et à nos événements, d’une part, et l’étalement de cette culture à l’extérieur de la région d’autre part. Il y a une fierté à l’égard de la culture d’ici et à nos éléments culturels d’aujourd’hui », affirme-t-elle.

 

L’INDICE BOHÉMIEN : UN INDICATEUR ÉCONOMIQUE

On doit à un professeur de l’Université Carnegie, aux États-Unis, Richard Florida, un outil d’analyse économique nommé indice bohémien. Le nom du journal est inspiré en partie de ce concept théorique.

« En gros, quand l’indice culturel et social d’une municipalité est élevé, son indice économique tend à le devenir aussi. Selon ce professeur, s’il y a plusieurs manifestations culturelles, les gens souhaiteront occuper ce territoire, y déménager, aller travailler et participer au développement de cette communauté », explique Winä Jacob.

Dans son engagement à couvrir le territoire de l’Abitibi-Témiscamingue, le journal embrassait ce désir de faire en sorte que l’on parle davantage des manifestations culturelles de la région, et ce, de manière très large pour y inclure à la fois les arts sous toutes leurs formes, le patrimoine, l’histoire, la gastronomie, qui sont aussi révélateurs de la culture du milieu.

« De façon très anthropologique, ce que L’Indice bohémien nous présente c’est l’iceberg de la culture. Ce qu’on voit sur le dessus, les manifestations culturelles, mais la culture c’est ce qui est en dessous, ce qu’on ne voit pas », ajoute Winä Jacob.

DES SOUVENIRS INCARNÉS

De ses années passées à L’Indice bohémien, Winä Jacob conserve des tonnes d’histoires et les échos de rencontres variées, mais ce qui lui reste avant tout, ce sont les liens noués avec les forces vives du journal : les bénévoles. « Ce dont je me souviens surtout, ce sont les liens que j’ai créés grâce au journal. Je me suis fait des amis, des connaissances un peu partout sur le territoire. J’ai pu ainsi mieux connaître ma région », confie-t-elle.

Ces amitiés subsistent dans le temps, et au fil des ans, ce sont parfois des bribes de mémoire ou de conversation qui reviennent à la surface. « Je suis allée à La Reine récemment et en passant devant la prison d’Amos, je me suis souvenue qu’il y avait eu des journaux livrés là parce qu’une bénévole avait pensé en apporter. Ce sont des détails, mais L’Indice bohémien c’est aussi ça : l’étalement de tout ça ».

Ces petites anecdotes qui composent une partie de cette culture riche qui se développe toujours sont autant d’éléments qui font de la jeune histoire de L’Indice bohémien un réservoir de moments intangibles qui contribue à la richesse d’une culture collective en Abitibi-Témiscamingue.


Auteur/trice

Lise Millette est journaliste depuis 1998, tant à l'écrit qu'à la radio. Elle a également été présidente de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ). En Abitibi-Témiscamingue, elle a été rédactrice en chef de L'Indice bohémien en 2017 et depuis, elle continue de collaborer avec le journal.