Une délégation de la revue montréalaise À Bâbord! a traversé la Réserve faunique La Vérendrye en juin dernier pour lancer son édition estivale à Val-d’Or et à Rouyn-Noranda. « Abitibi : territoire des possibles » est le titre d’un dossier de 20 pages que la revue a consacré à la région et dont le contenu est entièrement rédigé par des gens d’ici.

À Bâbord! est une revue fouillée d’analyse sociale et politique qui se caractérise par ses valeurs de justice sociale et d’équité. Dans son choix de traiter d’enjeux sociaux et culturels relatifs à l’Abitibi, l’équipe éditoriale a pris soin de préciser que le Témiscamingue n’était pas écarté du dossier, mais qu’il mériterait, éventuellement, un dossier abordant les questions qui lui sont propres.

Le chapitre « Abitibi : territoire des possibles » s’ouvre avec l’article d’Ariane Turmel-Chénard, qui s’est penchée sur la situation des Autochtones de l’Abitibi-Témiscamingue. Le choix d’entrer en Abitibi avec ce texte est hautement symbolique puisqu’il s’agit de mettre à l’avant-plan ceux qui ont longtemps été « invisibilisés » et qui peuplaient ces terres bien avant l’arrivée des Blancs. L’autrice adopte une posture d’alliée afin de rendre visibles les enjeux historiques ainsi que les conditions sociales actuelles des Premières Nations en Abitibi. « [La réconciliation] ne peut se réaliser par une simple déculpabilisation synonyme de statu quo. La reconnaissance des abus perpétrés par l’État canadien, ainsi que de ses normes structurelles basées sur un colonialisme sexiste ancré dans nos façons d’interagir, est fondamentale. Elle est un premier pas vers la compréhension des souffrances qu’elles ont engendrées. »

La lecture s’enchaîne avec l’article d’Émilie Auclair consacré au modèle éducatif. L’autrice y fait valoir l’idée de l’école comme vecteur de justice sociale du fait que les écoles privées sont inexistantes. D’autres préoccupations liées à l’éducation sont aussi analysées, notamment les tensions entre éducation et industrie.

L’industrie minière est évidemment bien représentée. Plusieurs articles y font référence et celui de Marc Nantel y est consacré. Ce dernier livre une virulente critique de la mainmise de l’industrie minière sur les ressources du territoire et sur la faiblesse des redevances qui reviennent aux citoyens.

L’immigration, celle d’autrefois et celle d’aujourd’hui, est aussi examinée par les contributeurs. Ian Campbell aborde l’héritage des Fros, tandis que la professeure Houria Hamzaoui se penche sur l’immigration récente à travers ses difficultés et les gestes solidaires et empathiques qui font office de baumes quotidiens.

L’Abitibi, c’est aussi l’immensité, les grands espaces et une relation privilégiée avec la nature (Guillaume Rivest). C’est aussi un attachement et un amour sans borne des Abitibiens et Abitibiennes pour leur région et le déchirement que peuvent vivre ceux qui doivent la quitter (Gabrielle I. Falardeau). Curieusement, l’Abitibi est aussi un bassin impressionnant de culture underground, avec sa scène métal florissante dont Rouyn-Noranda constitue une plaque tournante (Ian Campbell).

Réflexions concises, rigoureuses et accessibles attendent les lecteurs dans ce dossier spécial.  


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