Le 15 mars dernier, plus de 50 personnes se sont réunies au centre communautaire de La Motte afin de célébrer le lancement de La cendre et le miel, le tout dernier projet musical de Massy Emond. Une tournée ainsi qu’un lancement à Montréal sont également prévus.

C’est dans le chant transperçant d’un voilier d’outardes que s’amorce une balade sonore de moins d’une heure au cœur de l’expérience du deuil de l’être aimé. Plus qu’un appel à tendre l’oreille, l’écoute de l’album est une invitation à marcher, pas à pas, aux côtés de l’artiste dans cette démarche d’introspection courageuse, bilan du cheminement à travers la mort et l’urgence de vivre.

La cendre et le miel, c’est un agencement de captations sonores (oiseaux, vagues, vent, trucks, bruits de pas et de poêle à bois) principalement réalisées à La Motte. Ce sont des textes qui enveloppent, à l’image d’une berceuse bienveillante, et qui sont livrés par une voix qui ne tremble pas. Ce sont aussi des arrangements musicaux captivants, allant du blues trash, en passant par un Jingle Bell’s hawaïen, ficelés par le son confiant du violoncelle et à la rondeur du piano.

Par un temps gris et poudreux, les convives étaient invités à se joindre à la fête au village qui réunissait habilement des chansons sur la mort, sur le désir, et sur le lien au territoire, suivis de déhanchements au rythme de prestations musicales festives. Du lot, on comptait la formation amicale Roclourt, Dany Twist de La Motte et son remixage de la Toune du pape, devenue Toune du BAPE, et Max Motton qui, dans ses chansons, tente de convaincre Drake ou Dr. Dre de lui donner un peu de sous…    

« C’est pas vrai que dans mes mains il me reste juste le néant. Il me reste toute cette vie et j’en ferai un jardin » (CORBEAU)

La perte de l’autre, à travers les changements brusques, définitifs et douloureux, c’est aussi prendre conscience de sa propre finalité. Pour Massy Emond, « l’empreinte laissée par l’être cher a induit un surplus d’âme, de vitalité ». La pièce l’Ode au poêle à bois apparaît d’ailleurs comme un affront clair à la mort, la défiant droit dans les yeux, rugissante : « Je corde le chaos que la perte a causé, je n’attends personne je fais du café. Je chauffe. (…) Je chasse la mort, la tient à distance, lui fait peur à pisser avec mon bûcher, je chauffe. »

 « On joue le mythe et ses fondements, d’la grosse ouvrage pis ben d’l’argent, la frontière nous la repousserons à coup de rêves et d’illusions » (FLY IN FLY OUT)

Le travail de Massy Emond s’inscrit plus largement comme une lumière brute sur les réalités sociohistoriques et économiques de l’Abitibi-Témiscamingue. Elle s’intéresse à la « nordicité, au front pionnier, au féminisme en région-ressource », à l’américanité, des thèmes omniprésents dans l’ensemble de son œuvre et bien concentrés dans la pièce Fly in fly out, comme dans sa vie personnelle. La Motte, village qu’elle habite depuis plus de 10 ans est d’ailleurs en proie à des tensions sociales face à la possibilité d’y développer une mine de lithium à ciel ouvert, forme d’exploitation du territoire qu’elle critique vivement : « Les open-pits ont permis une autre façon de fracturer la terre, le paysage et les communautés. (…) Je considère que j’ai une responsabilité envers ce territoire qui me fait vivre. Une partie du sensible de ma vie est dans cette forêt. Et il en va de même pour plusieurs d’entre nous. C’est un lieu que j’ai apprivoisé et qui m’a appris en retour. Cette forêt m’habite. »

C’est apaisé et ébranlé que l’on arrive à terme d’une écoute de La cendre et le miel, véritable baume accompagnateur à travers le deuil, et à la fois puissant rappel à l’ordre quant à la brièveté de la vie et notre responsabilité commune envers le territoire qui nous porte.


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