Le Réseau Biblio de l’Abitibi-Témiscamingue et du Nord-du-Québec (ATNDQ) et ses partenaires travaillent à la réalisation d’un projet peu commun : l’implantation de bibliothèques publiques visant à desservir les communautés inuites et cries du Nord-du-Québec.

En préparation depuis plusieurs années, le projet voit aujourd’hui naître ses quatre premières bibliothèques dans les communautés d’Aupaluq, de Puvirnituq, de Kuujjuaq et de Salluit. Pour les promoteurs, c’est la consécration de nombreux efforts. Pour les communautés, c’est un pas de plus vers la réussite éducative et le rapprochement entre les générations.

Les écoles sont un partenaire naturel du développement des bibliothèques publiques depuis de nombreuses années. En s’ouvrant au grand public, elles enrichissent leurs collections locales et accèdent à des services de soutien qui facilitent leur organisation et contribuent à leur dynamisme. Cette formule répandue en Abitibi-Témiscamingue permet de bien desservir les petites localités et pourrait s’avérer tout aussi gagnante pour les communautés du Grand Nord québécois.

LIVRES ET ORALITÉ

Chez les Premières Nations, la transmission des savoirs passe avant tout par l’oralité. On pourrait à priori y voir un frein au développement des bibliothèques dans les communautés, mais il n’en est rien; vivantes et dynamiques, les bibliothèques modernes sont des lieux d’ouverture et d’échange qui s’inscrivent parfaitement dans la culture des Premières Nations. « Ce sont des raconteurs, ils se retrouvent dans cet espace intergénérationnel. Quand on leur a présenté le Tapimagine, ils ont été emballés! Notre rêve serait de les voir en concevoir un pour eux, à leur image », s’enthousiasme Louis Dallaire, directeur général du Réseau Biblio ATNDQ.

L’équipe du Réseau Biblio ATNDQ en compagnie de son président Richard Desssureault partage sa fierté d’envoyer les collections de livres à Kuujjuaq, Puvirnituq et Salluit.

DE NOMBREUX DÉFIS

L’implantation de bibliothèques publiques dans les écoles du Nord comporte de nombreux défis, en commençant par la prise en charge par les communautés. Pour le Réseau Biblio ATNDQ, pas question d’imposer un modèle : la réussite du projet dépend de l’implication des gens du milieu. « Nous ne voulons pas créer des bibliothèques pour eux, nous voulons les accompagner dans la création de leurs bibliothèques, nuance Louis Dallaire. Nous avons commencé par aller à leur rencontre, leur serrer la main et nous présenter. Puis, nous nous sommes déplacés dans les communautés pour mieux comprendre leur réalité. » Michel Desfossés, agent de développement au Réseau Biblio ATNDQ et responsable de la mise en œuvre du projet, explique : « Le contexte est très différent de celui que nous connaissons ici, le rude climat guide le rythme, sans compter les complexités liées au transport. » En effet, acheminer les livres au Nunavik représente un énorme défi. Tout doit être mis en œuvre pour profiter des cargos qui circulent entre mai et septembre alors que les glaces libèrent les baies d’Ungava et d’Hudson. Sinon, on compte sur l’avion, mais la nourriture et les autres biens essentiels seront toujours priorisés.

La langue représente aussi tout un défi, particulièrement lorsqu’il est question du choix des livres. « Ce sont les gens des communautés qui ont établi les critères de sélection et nous avons procédé à la recherche des ouvrages, poursuit Michel Desfossés. Il y en a en français, en anglais, mais aussi en inuktitut, ce qui est plutôt rare. De plus, ils préféraient qu’on se concentre sur des thématiques qui touchent à leur réalité territoriale; pas de singes et de lions, on opte plutôt pour des phoques et des ours polaires, par exemple. »

Pour faire face à ces nombreux défis, la collaboration de la commission scolaire Kativik Ilisarniliriniq, basée à Montréal, s’est avérée essentielle. « Ils ont été l’effet de levier dans ce projet. En plus de nous aider dans la logistique de l’implantation, ils sont responsables du soutien aux écoles et de la formation des équipes », explique Michel Desfossés.

L’école Iguarsivik de Puvirnituq accueille la bibliothèque publique affiliée au Réseau Biblio ATNDQ. Pierrette Day, enseignante, et Michel Desfossés, agent de développement au Réseau Biblio ATNDQ, ont collaboré à ce projet tout au long de l’année 2018. 

UN PROJET HORS DU COMMUN

L’implantation de ces bibliothèques est le seul projet culturel réalisé dans le cadre du Plan Nord. Pour Louis Dallaire, c’est une grande fierté : « Beaucoup de chemin reste à faire, mais les résultats des premières implantations sont probants et de plus en plus de communautés inuites se montrent intéressées. C’est un projet d’envergure pour le Québec et nous sommes très heureux que ce soit possible grâce à l’expertise des gens de l’Abitibi-Témiscamingue et des Premières Nations. »

Pendant que les bibliothèques des communautés inuites vivent leurs premières heures d’ouverture, le dialogue avec les communautés cries commencé. Si celles-ci n’ont pas encore adhéré au projet, certains acteurs se montrent intéressés, ce qui est très prometteur pour la suite.

 

Entre Puvirnituq et Salluit, Kim Angatookalook et Nutaraaluk Jaaka (derrière le pilote à droite) de la commission scolaire Kativik Ilisarniliriniq se déplacent pour former les équipes des bibliothèques. 

17 000 résidents en Eeyou Itschee. Les Cris de l’est vivent dans 9 communautés, entre le 49e parallèle N et le 55e parallèle N. Une 10e communauté (Washa-Sibi) fait partie de la gouvernance crie.

13 000 résidents au Nunavik. Les Nunavikois sont répartis dans 14 communautés côtières au nord du 55e parallèle jusqu’au détroit d’Hudson.


Auteur/trice