En mars, l’artiste engagée Véronique Doucet exposera les fruits de son plus récent projet de création. Dans celui-ci, elle donne voix aux animaux victimes de la route dans des mises en scènes 2D et 3D en les juxtaposant avec ce qu’elle nomme des « artéfacts cultures », soient les déchets qui jonchent autoroutes et sentiers urbains.

« Depuis près de cinq ans, je marche et je cours et sur mon trajet, je prends des photographies de déchets. J’avais fait un premier projet nommé Ralentir le temps; cette fois, je pousse plus loin. J’ai commencé à récupérer les déchets et j’ai voulu en faire des œuvres. ».

De manière engagée, elle dénonce par le fait même la société de consommation, la pollution et le non-respect de la nature. En intégrant en plus les animaux,

Véronique Doucet a ainsi adopté avant l’heure le concept suédois de plogging. Des coureurs ont adopté la course à pied avec un sac de plastique pour récupérer les déchets sur leur parcours. L’artiste rouynorandienne a franchi le pas de mettre ces détritus en scène en créant le plogging-art.

Ses œuvres très colorées intègrent aussi des animaux victimes de la route. Elle y voit une manière de les mettre de l’avant et de leur donner une sorte de revanche ou de droit de cité. Parmi la vingtaine d’œuvres, on retrouve un jeune orignal, victime collatérale, sur son socle doré, avec des écouteurs sur les oreilles.

« Ah, l’histoire de ce petit bébé-là… des automobilistes ont frappé une maman orignal. Ils ont appelé le taxidermiste William Berge qui a découvert qu’elle portait en elle ce fœtus. Donc en fait, ce petit n’est jamais né. C’est très particulier. En ajoutant des animaux aux œuvres, c’est comme si je leur connais un droit de parole », raconte Véronique Doucet.

Avec les déchets récupérés, Véronique Doucet a créé des natures mortes. Elle a ensuite pris ses mises en scène en photo, a fait un agrandissement qu’elle colle sur des supports de bois.

« Ensuite, j’interviens en médium mixte par dessus », complète-t-elle.

DES PARTENARIATS AUDACIEUX

Autopsie d’une autoroute est un projet réalisé grâce à une bourse du Conseil des arts et des lettres du Québec. En plus d’être exposées jusqu’au 30 mars à la galerie Rock Lamothe de Rouyn-Noranda, quatre œuvres se retrouveront dans l’entrée de la Société de l’assurance automobile (SAAQ) et quatre autres au ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP).

« C’est une manière de sortir l’art contemporain des lieux d’exposition habituels et en plus, il y a un lien avec la faune et la route », précise l’artiste.

Elle raconte que le représentant de la SAAQ a été étonné après sa visite de son petit atelier où étaient entassées les pièces de son exposition.

« Il a été très surpris et étonné de voir qu’il y avait autant d’éléments qui se rapportent à l’alcool. Beaucoup de cannettes de bière se retrouvent en marge des routes alors que l’alcool au volant est interdit. Les déchets deviennent donc un indice anthropologique pour comprendre la réalité », conclut-elle.

Véronique Doucet n’en est pas à son premier projet engagé pour la cause environnementale, elle est aussi cofondatrice du Groupe Écocitoyen GÉCO dont la mission repose sur l’action citoyenne. Elle enseigne également les arts visuels au Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue.


Auteur/trice

Lise Millette est journaliste depuis 1998, tant à l'écrit qu'à la radio. Elle a également été présidente de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ). En Abitibi-Témiscamingue, elle a été rédactrice en chef de L'Indice bohémien en 2017 et depuis, elle continue de collaborer avec le journal.