Il n’y a pas ici critique théâtrale, mais simple réflexion d’un amateur ravi, pour toutes sortes de bonnes raisons d’ordre esthétique et autre, de se trouver devant un « Juliette et Victorin » fort sympathique.
Ce 16 novembre, je suis donc allé voir Juliette et Victorin présenté au Petit Théâtre du Vieux Noranda, attiré par le sujet et en même temps un peu craintif quant au traitement que ferait la conceptrice de la pièce, Mme Lise Pichette, d’un tel sujet ancien. Oui, j’avais peur qu’elle et ses collaborateurs traitent l’époque concernée en la jugeant à partir de la mentalité contemporaine et donc avec un certain mépris du climat religieux qui a caractérisé une bonne période de l’histoire du Canada français.
Mes craintes se sont avérées non fondées. La pièce respectait tout à fait l’époque, d’abord en laissant parler les lettres mêmes de Juliette et Victorin. Et puis, tout dans la présentation : mise en scène, jeu des comédiens, décor, musique, a été mis au service d’une correspondance qui a de quoi charmer les lecteurs ou spectateurs susceptibles de vibrer aux idéaux qui s’y trouvent bellement exprimés, car nos deux protagonistes écrivaient bien.
Un amour qui a pris huit ans pour en arriver à se concrétiser dans les « liens sacrés du mariage », quelle énormité, n’est-ce pas, pour le monde d’aujourd’hui dont l’axe des valeurs a basculé assez brusquement sous l’effet d’une bourrasque appelée révolution tranquille. Il n’aurait pas fallu que toutes les relations amoureuses au Québec se développent à ce rythme follement lent, mais comment ne pas trouver nobles et beaux et purs des sentiments forgés dans le creuset d’une foi catholique à la fois exigeante et consolante. Est-ce que j’exagère? Est-ce que j’idéalise au-delà du permis? Est-ce que d’autres feuilles de la liasse des 405 lettres révèlent des côtés plus sombres? A vrai dire, je ne veux pas le savoir, laissons le théâtre embellir les choses, nous montrer l’âme humaine des hauteurs et ainsi nous élever nous-mêmes. Pourtant ces lettres… ont été réellement écrites par deux êtres de chair : Juliette et Victorin, qui ont rêvé et vécu.