Pour moi, grandir à Rouyn-Noranda, c’est évoluer avec le Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue (FCIAT). Étant bébé du Festival, j’accumule les années au même rythme que celui-ci. Toute mon enfance, j’ai assisté à ses ciné-muffins et fréquenté ses coulisses. On ne s’interroge donc pas sur ma passion pour le 7e art… comme Obélix je suis tombée dans la potion magique très jeune. Le recul nous permet de voir l’ensemble du casse-tête et ce dernier Festival m’a fait réaliser à quel point cet événement a été marquant et décisif dans ma vie.


En réalité, ce constat, je l’ai eu en regardant le film du réalisateur Martin Laroche, rencontré pour une première fois en 2007 au FCIAT et devenu un ami par la suite. Cette année, il venait présenter son premier long-métrage subventionné, Les Manèges humains. J’avais très hâte de le voir, puisque Martin m’en parlait depuis un moment, mais sans plus. Je savais que le film abordait un sujet délicat, l’excision, et ce, dans un environnement tout à fait anodin, la foire, et par le biais du faux documentaire. Je pensais que cette projection risquait de déranger, mais je n’aurais jamais imaginé vivre un moment aussi intense et introspectif en entrant dans la salle.


Le film raconte l’histoire de Sophie, finissante en cinéma. Alors qu’elle est employée dans une foire ambulante, son patron lui demande de produire un documentaire sur le parc. Cette prémisse mène la première partie du film. Pour certains, l’intrigue survient peut-être tardivement. Pour moi, ce fut le contraire, comme un mal nécessaire. La perversion du personnage principal s’installe tranquillement. Plus elle travaille sur son projet cinématographique, plus elle se rend compte qu’elle ne peut le réaliser sans parler d’elle et du lourd secret qu’elle porte. Dans ce décor déambulent des personnages, peut-être un peu stéréotypés, mais incarnant la vision qu’on se fait de la vie nomade dans une foire. Malgré le sujet abordé, la distribution et le jeu des acteurs permettent d’adhérer au film et contribuent à sa richesse et à sa beauté.


Tel un manège, il nous fait vivre toute une gamme d’émotions : du rire au malaise, de la légèreté au mal de cœur. Il est cru, aborde les sujets de front et présente des scènes choquantes. Pourtant, jamais on a l’impression que le réalisateur dépasse les bornes ou donne dans un voyeurisme malsain. Au contraire, comme le film est vécu à travers les yeux de Sophie, on ressent littéralement son besoin de parler du sujet, de le confronter et de le filmer.


Finalement, ce sont ces émotions qui créent la magie du cinéma quand, dans une salle comble et noire, où les images défilant devant toi te font réfléchir, t’obligent à te confronter, à voir ta vie avec un regard à la fois extérieur et introspectif. Ce sont pour ces moments révélateurs qu’on aime encore fréquenter les cinémas ainsi que les festivals. Ce ne sont pas tous les films qui permettent ces instants. Cependant, un long-métrage comme Les Manèges humains m’amène à constater l’immensité du médium cinématographique. Mon manège à moi, c’est le cinéma et c’est grâce au FCIAT et sa vitrine sur des réalisations indépendantes et différentes, que je peux cultiver ma passion et vivre de tels moments.