Depuis le 25 mars et jusqu’au 8 mai, le Centre d’exposition d’Amos présente Grandeur Nature, un duo d’expositions rassemblant deux artistes associés à l’atelier des Mille feuilles, Louis Brien et Marcel Caron. Margot Lemire a rencontré les deux créateurs qui offrent ici des œuvres présentées en février dernier à L’Écart, à Rouyn-Noranda.

À 70 ans, en pleine maîtrise de son art, Louis Brien vibre haute tendresse en nous présentant des gravures de baignades inspirées de ses après-midis à faire des longueurs de piscine avec des aînés. Il dit : « Je donne à voir des humains vieillissants, sans fard, avec leurs cicatrices, leurs bobos, leurs corps bourrés d’histoires. »

Pour eux, comme pour lui, la baignade n’est pas un loisir : c’est la survie. Louis veut contrer les effets morbides de la dystrophie musculaire, une maladie dégénérative dont il est atteint. Dans l’eau turquoise, d’autres corps, des regards complices, des non-dits plus éloquents que la parole. Autour de la piscine, d’autres regards, des sourires, des bras tendus. Ils observent. Ils sont observés. Si les corps se dégradent, les yeux traduisent la compassion, la force de l’âme jouissant du privilège d’être là. Encore. Comme une ode à la vie.

Louis Brien compte plus de 50 expositions en solo dans sa carrière mais celle-ci concrétise l’un de ses espoirs secrets : il rêvait depuis toujours de présenter des personnages grandeur nature. Cet exploit devient possible grâce à un nouveau matériau : le géofilm. Un cadeau pour lui… et pour nous.

Autoportraits fictifs

Enfin, après dix ans de silence, Marcel Caron reprend le fusain, le papier, le noir sur blanc pour nous parler du corps ; « la seule preuve de notre existence » confie-t-il en entrevue. La fascination pour les corps lui vient de son enfance : il dessinait déjà les personnages de G.I. Joe, pour s’amuser. Maintenant, il pousse un dessin puissant, en continu, comme on joue au ping-pong. Les lignes s’estompent, prennent du volume, deviennent sculptures. Des corps sans tête : pour colmater l’individualité. Dans les corps : l’existence matérielle, la mort toujours présente, les arcs de jouissance, la souffrance, les désirs, la mémoire visible, les absences. Le corps parle à notre insu.

Marcel Caron raconte : « J’ai abordé cette série de faux autoportraits comme un homme vide, en ne sachant pas s’il y avait encore des traces de moi dans le corps que je suis devenu. » Il y trouve un nœud de paroles. Aussi, laisse-t-il des empreintes de doigts partout sur le papier, comme un animal laisserait des pistes dans la neige fraîche. Des pistes à observer pour qui veut tout voir, tout entendre.


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