Les 48 élèves de 5e année de l’école Notre-Dame-de-Grâce de Rouyn-Noranda ne sont pas près d’oublier la présente année scolaire. Un matin de novembre, avec leurs accompagnants, ils montent à bord d’un autobus qui prend la direction de Montréal. Le but du voyage est peu banal puisqu’ils assisteront à la générale publique du Barbier de Séville à la Salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts et qu’ils visiteront les coulisses de l’Opéra de Montréal. Cette sortie culturelle est le prélude à un projet scolaire audacieux qui les amènera à découvrir un univers qu’ils fréquentent très peu, celui de l’opéra.
À l’origine du projet CoOpéra tel que mis de l’avant par cette école, il y a Isabelle Trottier, une artiste venue s’installer à Rouyn-Noranda il y a quelques années, forte de sa formation en chant classique acquise au Conservatoire de Montréal et de sa participation à une vingtaine de productions lyriques comme choriste à l’Opéra de Montréal. Il y a aussi une directrice d’école, Nathalie Cossette, qui croit aux vertus de ce maillage culture-éducation et qui a le désir d’engager son équipe dans cette grande aventure, dont l’enseignante en musique, Céline Bilodeau, et les titulaires des deux classes, Sophie Rivard et Suzanne Bernier.
Ce qu’il faut aussi savoir, c’est que CoOpéra puise dans un projet mené avec succès par l’Opéra de Montréal avec des écoles montréalaises situées en milieu défavorisé. Bien au fait de cette initiative, Isabelle Trottier, avec l’assentiment de l’organisme, en a fait une proposition d’atelier qui a été retenue dans le cadre du programme La culture à l’école, dans une version mettant l’emphase sur le volet création. Il en résulte un projet où les élèves sont impliqués dans l’écriture et l’interprétation de leur propre version de l’opéra Hansel et Gretel, un processus qui culminera par la mise en production d’un grand spectacle au mois de mai. Ainsi, tout au long de l’année scolaire, ils auront intégré différents apprentissages en lien, notamment, avec le français, la musique et l’entreprenariat.
L’enseignante en musique, Céline Bilodeau, commente : « Au départ, ce qui nous a attirés dans ce projet, c’est de pouvoir démystifier ce qu’est l’opéra, une forme d’art que les enfants connaissent très peu. Notre sortie culturelle à l’Opéra de Montréal a été un très bon élément déclencheur. Avec Isabelle, nous avons bien préparé les élèves à cette activité, ils ont apprécié le spectacle et ils ont aussi été très impressionnés par tout ce qu’ils ont observé en coulisse. » Nathalie Cossette, la directrice de l’école, renchérit : « De plus, le projet développé initialement par l’Opéra de Montréal, et dont nous nous inspirons, visait spécifiquement les écoles des milieux défavorisés et les classes de 5e année, ce à quoi notre projet répond, c’est ce qui lui donne encore plus de sens. »
La coopération au cœur des apprentissages
Le travail en équipe est fondamental dans la dynamique qui s’est installée autour de ce projet, comme le fait valoir Isabelle Trottier : « Avec les élèves, tout se passe dans un climat d’entraide et de coopération : partager les idées, les évaluer, faire des compromis, accepter qu’on ne choisit pas nécessairement son idée mais qu’on retient celle qui va faire avancer le projet pour qu’il soit à son meilleur. Les enfants y trouvent un formidable terrain d’expression et beaucoup de valorisation. » Ceux-ci doivent aussi identifier un emploi qui les attire dans la mise en œuvre du spectacle. Isabelle Trottier poursuit : « Ce ne sont pas tous les enfants qui ont envie d’aller sur la scène, mais ils auront tous l’occasion de chanter, seuls ou en groupe. Et tous auront un talent ou une habileté à faire valoir, que ce soit à la régie, à la préparation des décors et des costumes ou à la promotion du spectacle. Ce que nous voulons surtout, c’est que ces jeunes sentent qu’ils ont une place, qu’ils ont une valeur, selon leur élan, leurs compétences, leurs talents. Il y a aussi l’importance de s’engager et d’aller au bout du travail entrepris. Ils rencontrent des écueils mais nous sommes là pour les aider à les traverser. Nous comptons tous les uns sur les autres, chaque maillon de la chaîne est important. »
Quant au rôle de l’artiste au sein de l’équipe-école, tous y voient des retombées très positives. Céline Bilodeau l’exprime ainsi : « La présence d’une artiste professionnelle est très stimulante pour les enfants parce qu’ils ont affaire à du concret. Isabelle est une vraie cantatrice, elle a fait de la scène, elle a joué différents rôles et porté différents costumes, elle est la mieux placée pour parler de cet art qu’elle pratique. La mise en commun de nos compétences respectives, artiste et enseignants, permet d’aller plus loin, ça donne un résultat final plus professionnel, plus achevé. Il faut voir aussi tout ce que cela apporte à l’ambiance de l’école et tout ce que ça suscite dans les familles, les parents sont aussi très emballés par ce projet. »
De quatre à six représentations de Hansel et Gretel seront proposées dans la grande salle de l’école les 13 et 14 mai 2015, elles viseront différents publics.
Note : Au moment d’écrire cet article, l’école a appris qu’elle était admise au nouveau programme Une école accueille un artiste, du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS). De ce fait, Isabelle Trottier s’installera en résidence à l’école pendant 12 semaines, de la mi-février à la mi-mai, ce qui donne une valeur ajoutée au travail en cours. L’Indice bohémien rendra compte de cette expérience unique dans une prochaine édition.