Le 5 juin 2015, c’était la réouverture officielle du Petit Théâtre du Vieux Noranda.
Il y avait beaucoup d’émotions dans les yeux des Abitibiens. Qu’est-ce qui explique que les citoyens, peu importe leur âge, soient aussi émus? Pour le comprendre, il faut remonter dans le temps.
Du Canadian Corps au Petit Théâtre
Dans les années 70, de nombreux artistes décident de revenir en région avec l’objectif d’y vivre de leur art. Plusieurs institutions sont créées alors que la vitalité culturelle foisonne dans l’ensemble du Québec.
Pour les troupes de théâtre de la région, le besoin d’une salle alternative devient urgent. C’est alors que les Zybrides louent le Canadian Corps, qui appartient aux vétérans de la guerre. Or, l’endroit coûte plus de 17 000 $ à chauffer par année. C’est donc avantageux de louer les locaux à des parties. Filant malheureusement vers une faillite imminente au milieu des années 90, les vétérans décident de vendre la bâtisse à M. Chouinard, le comptable des Zybrides, qui en deviennent ensuite propriétaires.
Mais la charge de travail et les frais pour entretenir les lieux deviennent trop prenants. Les Zybrides ouvrent alors leurs portes aux artistes, à la relève, de façon à amortir les coûts. Au cours de la dernière décennie, des organisations et événements tels que Le DocuMenteur, les ligues d’improvisation et le Festival de musique émergente organisent ainsi des soirées au Petit Théâtre. La dynamique est incroyable. Les créateurs se rencontrent, ce qui crée un véritable bouillonnement culturel.
Une institution
L’objectif a toujours été de préserver la culture en Abitibi-Témiscamingue et d’entretenir une harmonie grâce à un plan d’urbanisation. Pas question de se piler sur les pieds et de créer une hostilité avec un autre lieu de création. Rouyn-Noranda devait devenir un quartier culturel pour favoriser l’émancipation des événements en toute synergie.
« Ma mère dansait le boogie, le fils de René Breton, chargé de chantier, joue dans un band métal, la cousine de l’un s’est mariée ici, et le père de l’autre se tenait en bas aux vétérans. Le Petit Théâtre a toujours été un lieu qui appartenait à la communauté, un lieu ouvert au divertissement et au plaisir. Il faut préserver ces beaux souvenirs », raconte Rosalie Chartier-Lacombe, la directrice générale.
On comprend maintenant pourquoi cette institution fait partie de l’histoire, une histoire que l’on écrit toujours, d’ailleurs.
La modernisation
En 2005, la régie du bâtiment visite le Petit Théâtre. Si aucune rénovation n’est entreprise, l’endroit devra fermer. Rapidement, la coquille est rénovée, mais il faut plus que cela : il faut un plan de rénovation. Les propriétaires font donc l’acquisition d’équipements de scène, ouvrent la salle du bas pour mieux accueillir les gens, changent la climatisation, les revêtements et rendent la salle accessible aux personnes à mobilité réduite. De nouvelles pièces sont aussi créées. Trois sont destinées à la musique et une au théâtre, en plus d’une loge à aire ouverte favorisant les échanges et la création entre les artistes. « On se devait de répondre mieux aux besoins des spectateurs et des artistes », explique Rosalie Chartier-Lacombe.
Rénovations symboliques
Rénover un lieu artistique ne se fait pas sans prendre en considération son âme. Le Petit Théâtre devait être pratique, mais authentique, ce qui explique pourquoi plusieurs projets artistiques sont au cœur des rénovations du bâtiment. Karine Berthiaume, artiste en arts visuels et aménagement de sites, a participé au projet, ainsi que Solange Coulombe, pour tout ce qui est vitrail, et Claude Bérubé, pour les lustres de bois. Quant à Rock Lamothe, il a eu le mandat de rendre hommage, via ses peintures, à Lise Pichette, membre fondatrice et directrice artistique des Zybrides et du Petit Théâtre qui nous a malheureusement quittés récemment. À l’extérieur, c’est l’œuvre de Manon Pelletier qui marque l’endroit comme étant un établissement culturel et artistique.
Campagne de générosité
Il y a eu deux campagnes de financement pour remettre sur pied le Petit Théâtre du Vieux Noranda. La première a été en 2007-2008 pour rénover la coquille et la seconde, de 2012 à 2014. Pour avoir 90 % de financement provenant du provincial et du fédéral, il fallait que la communauté fournisse le 10 % manquant, 10 % représentant 360 000 $. Pour Rosalie Chartier-Lacombe, il s’agit de son plus grand défi mais aussi de sa plus grande fierté. Une fierté envers la générosité des citoyens qui ont compris l’importance d’un tel lieu dans la communauté. Les entreprises ont offert leur appui en s’impliquant. C’est plus de 250 donateurs qui ont participé en proposant des montants entre 2 $ et 10 000 $. Ce sont 3,6 millions de dollars qui ont été nécessaires afin de rénover le Petit Théâtre.
La réouverture
Nous y sommes : 5 juin 2015, réouverture du Petit Théâtre du Vieux Noranda. Les amoureux de la culture sont sur place pour assister à cette soirée tant attendue. Discours touchants, performances hors de l’ordinaire unissant le milieu de la construction à celui des artistes, témoignages et performances musicales, tout y est!
Le groupe valdorien Nanochrome offre un spectacle qui incarne la mission même du Petit Théâtre, soit de faire briller le talent de la relève abitibienne. Gagnant du prix du Petit Théâtre lors du dernier FRIMAT, Nanochrome passera deux jours d’encadrement sur place avant de performer au FME prochainement.
Les Slingshot Brothers, quant à eux, offrent une performance rock qui cadre tout à fait avec l’essence du Petit Théâtre. Leur masse de fans locaux est intéressante. Yannick St-Amant est d’ailleurs parfois technicien musical au Petit Théâtre. Et Ponto Paparo, italien d’origine, a passé des années à créer dans le sous-sol du Petit Théâtre. Il jouait du piano seul, la nuit, l’unique moment de tranquillité qu’il avait.
C’est tout à fait juste d’affirmer que la vision culturelle des citoyens a sauvé le Petit Théâtre. Leur générosité et leur engagement font maintenant rayonner la culture de l’Abitibi-Témiscamingue à travers le monde. Le Petit Théâtre, c’est maintenant 250 jours d’activités par année, soit 80 jours de spectacles, 60 de formation en arts de la scène, 100 de répétitions d’artistes et 57 de locations corporatives. \