Le français regorge d’expressions savoureuses que les habitants des quatre coins de cette langue se partagent. Certaines me laissent parfois perplexe car elles me font penser qu’elle est raciste. Mais fort d’un naturel peu susceptible, je refuse toujours de broyer du noir. Toutefois, certaines pratiques langagières mettent mes oreilles à rude épreuve et mes nerfs, en barbelés. C’est le cas, entre autres, de la féminisation. Qu’on veuille féminiser la langue, peu m’en chaut. Mais que « le » médecin devienne « la » médecin parce qu’il s’agit d’une femme me plonge dans une profonde détresse existentielle. Qu’une caissière demande à la cliente devant moi si elle est « au courante » d’un rabais sur un produit me donne envie de dézinguer à mains gantées. N’en déplaise à OJ Simpson. Il faut me comprendre : le français compte parmi mes rares biens.
Venons-en au fait. J’avoue que cette langue peut paraitre incongrue. Sinon, comment expliquer que « concombre » relève du masculin et « courgette », du féminin ? Mais rassurons-nous, la différence entre ces deux légumes tient moins de leur genre que de leur texture ou de leur saveur. En réalité, l’incongruité consiste plutôt à confondre morphologie et sémantique, car le fait de mettre « un » ou « une » devant un nom relève de la morphologie. Cela n’a absolument rien à voir avec le binôme mâle/femelle, qui renvoie à la sémantique.
Certains pourraient m’accuser de râler, de rouspéter et de ronchonner. Ce serait là un jugement hâtif. Qu’on me comprenne bien. Je suis un homme de principe. Je me refuse à désigner ma voisine par l’infâme vocable de « maitresse-chienne » au prétexte qu’elle dresse des chiens. De même, je ne voudrais pas me retrouver à appeler mon avocate « maitresse » au risque de nuire à nos rapports. De toute façon, en attendant que mon amoureuse accepte cette éventualité, le monde ne sera déjà plus le même. \