Lui, il vient de Rouyn-Noranda. Sa ville, sa région, sa patrie, il l’a tatouée drette su’l cœur. Développeur web de formation, blogueur par passion, ce n’est pas le fruit du hasard si Abitibi/Montréal fait autant jaser, Mathieu Gagnon sait où il s’en va.
– Allô Mathieu ! Super heureuse de te rencontrer ! Tommy voulait que je te frenche de sa part, mais je suis simili à l’aise on dirait ! On se serre la pince ? – Hey Jenny ! Vraiment heureux de te rencontrer aussi ! C’est ben correct pour le french, à l’inverse quand tu verras Tommy, tu le frencheras pour moi, y va rester bête ! – Deal ! (Tommy est à Bangkok, j’suis safe.) Après deux minutes de conversation, la table était mise pour une heure de lunch professionnel qui serait fort agréable, on le savait tous les deux. Mathieu est un trentenaire cool à l’allure décontractée. Consommateur de culture, curieux, jovial, allumé et fort sympathique, Mathieu lit L’Indice bohémien, on l’a tous compris. |
AT/MTL, pour reprendre ses mots, c’est un peu comme le journal intime de l’Abitibi-Témiscamingue, c’est une plateforme d’opinions et de divertissement sur le contraste grandissant entre les villes et les régions du Québec. La mission du site web est de favoriser la lecture et l’écriture d’une littérature locale et empreinte de notre culture, de nos lieux, personnages et expressions. Le tout sur une trame de fond comparative entre l’Abitibi-Témiscamingue et Montréal.
Ses inspirations (Urbania, Les Éditions de ta Mère, Bruce Gervais, Lynch, Burton, pour ne nommer que ceux-ci) font de son média un amalgame addictif de beau – drôle – divertissant – savoureux – attachant. On y prend goût, on en veut plus.
Mathieu, quand l’idée d’Abitibi/Montréal est-elle apparue ?
En septembre 2015, j’ai commencé à écrire pour LA BOUCHE CROCHE, ce qui me stressait beaucoup de prime abord parce que j’adore la musique, la région et bref, c’était important pour moi de rendre justice à tout ça dans mon écriture. Mes articles ont fonctionné. Beaucoup plus que ce que je pouvais imaginer. « On aime ton style, on aime ta plume ! »
Ce fût une expérience formatrice et je me suis découvert une vraie passion pour l’écriture. Même si c’était des articles sur la musique et le FME, il y avait toujours une foule de références locales et de lieux de la région. On y voyait déjà le style d’AT/MTL se dessiner.
En parallèle, grâce à notre passion commune pour la littérature punchée, ma copine et moi, on lisait et se partageait beaucoup de livres en ce sens. Elle a un style plus feeling et j’ai un style plus engagé. On se complète littérairement bien. L’idée a commencé à germer dans ma tête à ce moment-là.
Vers la fin de l’année, Bruce Gervais a lancé son livre Dormir Debout. Je suis allé au lancement au Cabaret parce que c’était « la place à être ». J’ai même fait signer mon livre sans savoir quel impact il aurait pour moi.
C’est après l’avoir lu que je me suis dit : « Fuck it, on le fait ! » Après, j’ai développé la plateforme web les soirs et les fins de semaine. Claudia et moi [NDLR: Sa blonde], on a fait plusieurs textes et exercices de style pour trouver le ton au blogue. Le site se dessinait tranquillement pas vite. Par la suite, j’ai contacté Christian Beauchemin pour qu’il s’associe au projet. Je suis un très grand admirateur de son travail alors j’ai été très heureux qu’il accepte de dessiner pour le blogue.
Qui en est à l’origine ? Toi seul ou en collaboration ?
L’idée est venue de moi. Le blogue est un bon amalgame de tout l’univers dans lequel je gravitais. Lecture trash, engagée et feeling. Musique, déboires, cinéma, littérature. Claudia est embarquée tout de suite dans mon trip. On l’a développé conjointement en se laissant la place pour s’exprimer dans nos styles littéraires respectifs.
Qu’est-ce qui t’a motivé à le faire maintenant et ici et non avant et ailleurs ?
Le contexte. Depuis que je suis revenu vivre en Abitibi après 6-7 ans à Montréal, j’ai vécu des moments vraiment tough et d’autres absolument merveilleux. Je me suis souvent posé la question : « Est-ce que je retourne vivre à Montréal, ville fatale ? » Je pense que le blogue est un peu une quête pour répondre à cette question. Même si c’est toujours personnel comme situation, se questionner et retourner ça dans tous les sens, c’est laborieux, mais toujours formateur comme processus. J’ai regardé mille fois Alex marche à l’amour de Leclerc. Un million de fois Chasse au Godard d’Abbittibbi de Morin et un milliard de fois la dernière émission de Mange ta ville : Inventer la suite qui est à mon sens la meilleure heure télévisuelle québécoise de tous les temps. Ces trois œuvres ont quelque chose de commun : les personnages se cherchent, ils sont en transition. C’est une game d’adaptation à leur propre vie. Je me rattache beaucoup à ça et l’Abitibi-Témiscamingue est exactement dans le même bateau. En quête de son identité.
Où te nourris-tu de tes histoires ?
Personnellement, je m’inspire de ma vie, des gens autour de moi, des situations rocambolesques et uniques à l’Abitibi-Témiscamingue. Par exemple, il y a un de mes amis qui en ce moment est en train de poser un piège pour tuer un ours qui rôde dans sa cour. Avec une caméra infrarouge, il étudie le comportement de la bête pour mieux la tuer. Une histoire de chasse en territoire résidentiel. C’est juste en Abitibi qu’on peut trouver des histoires comme ça ! Pour le reste, le blogue est composé d’une multitude de collaborateurs qui vivent tous « l’Abitibi » à leur manière. Cette diversité dans les points de vue, dans les histoires et même dans les différents styles d’écriture est bénéfique pour le site et représente bien notre peuple de raconteux. Tout le monde a une histoire. Et tout le monde est invité à l’écrire sur AT/MTL.
Le style et l’essence du blogue sont bien représentés par ce court extrait signé Andréanne Tenhave :
[…] Je suis l’Abitibi-Témiscamingue, toute d’un boutte, pis mes initiales c’est AT. J’ai pas bin bin plus que 100 ans, et je suis née icitte, dans mon pays. J’ai à peu près 148 000 amis, pis sont pas sur Facebook. Non, ils sont mes voisins, de près ou de loin, et me trouvent pas mal cool. Ils me font vivre depuis quelques générations à peine parce que pour te faire une histoire courte, je suis comme un ado au Québec.
J’suis jeune. Mes bâtisseurs sont d’hier et d’aujourd’hui. Mes ancêtres à moi, ils sont dans nos maisons de personnes âgées. On peut les toucher et leur parler, et ils peuvent me raconter mieux que moi-même. Y’étaient là sacrafice, y’étaient là ! À dévierger la terre, la défricher, couper du bois pour en faire des planches sur lesquelles on danse et on joue notre culture, pis qu’on se raconte en ce moment live. […]
La suite, et le début de votre dépendance au www.abitibimontreal.com //